
Chine-Japon : aux sources de 2 500 ans d'échanges culturels
Japon, fin du VIIe siècle. Le prince Nagaya est féru de la poésie et du bouddhisme de l'empire du Milieu sur lequel régnait la dynastie Tang, en pleine prospérité culturelle et économique. Ce passionné de la culture chinoise fit fabriquer mille kesas, vêtements sacrés des moines, avant de les donner aux moines bouddhistes chinois. Des kesas pas comme les autres, car ils étaient brodés d’un poème en chinois : « Nous vivons dans différents pays mais partageons la même lune et ressentons le même vent. Je vous donne ces kesa pour de belles rencontres dans l’avenir. » Selon certains dires, le célèbre moine chinois Jianzhen, plus connu au Japon sous le nom de Ganjin, touché par ce message, se rendit ensuite au Japon pour y présenter le bouddhisme. Plus de 1 500 ans après, en février 2020, alors que la Chine est frappée de plein fouet par la crise épidémique, ce même poème s’est retrouvé inscrit sur les emballages des colis remplis de produits sanitaires envoyés par le Japon pour les habitants de Wuhan. Une anecdote qui en dit long sur les relations millénaires sino-japonaises, deux frères ennemis, entre admiration et concurrence.
Si au début du siècle dernier, les étudiants chinois au Japon ont servi de pierre angulaire dans la révolution et la modernisation de la Chine, dans l'antiquité, c’est la culture chinoise qui a beaucoup inspiré le pays du Soleil-Levant. À l’occasion du 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Japon, Bai Yunxiang, archéologue réputé dans les deux pays, revient sur les échanges culturels sino-japonais datés de plus de 2 500 ans.
China News Service : Quelles étaient les différentes étapes des échanges culturels entre le Japon et la Chine dans l'Antiquité ?
Bai Yunxiang : Les premiers échanges sino-japonais pourraient remonter entre le Ve siècle av. J.-C et le IIIe siècle, une période où la Chine vivaient successivement sous le règne de la Période des Royaumes combattants, ainsi que des dynasties Qin et Han, et le Japon, la Période Yayoi. Durant ces 800 ans, selon différentes découvertes archéologiques au Japon, les échanges sino-japonais se divisent en cinq étapes.Si du Ve au IVe siècle avant J.-C c’est la riziculture chinoise qui s'exporte au Japon, durant les trois siècles suivants, ce sont notamment le bronze qingtong et le fer chinois qui débarquèrent au Japon. Les premiers immigrés Chinois se rendirent dans le pays voisin entre 221 et 108 av. J.-C. Il faut attendre le début du Ie siècle où certains royaumes japonais envoyèrent des émissaires en Chine sous la dynastie Han pour établir les premiers contacts entre les autorités des deux régions. Ces relations se renforcent durant le Ie et IIIe siècle et quelques royaumes japonais devinrent tributaires de la Chine.
CNS : Quelles étaient les découvertes archéologiques qui font montre de l'influence chinoise sur le Japon dans l'Antiquité ?
Bai Yunxiang : Dans l’Antiquité, l’influence chinoise sur le Japon couvrait différents secteurs qui vont de la riziculture à l’écriture, en passant par l’urbanisme. Il existe au Japon pas moins de 80 sites archéologiques datés de l'ère Yayoi, qui contiennent des vestiges caractéristiques de la dynastie Han en Chine, tels que miroirs en bronze, chars, épées ou encore pièces de monnaies. Force est de constater que les miroirs en bronze chinois font partie des reliques historiques les plus nombreuses parmi celles qui ont été découvertes. Les « trois trésors » dans le Japon ancien - miroir en bronze, épée de fer et jade - tirent également leur origine du savoir-faire chinois. Les échanges sino-japonais ont marqué leur apogée durant la dynastie Tang. Heijō-kyō, capitale impériale du Japon entre 710 et 740, puis entre 745 et 784, s'est inspiré, dans son aménagement urbain et le style architectural des immeubles, de Chang’an et Luoyang, les deux capitales sous la dynastie Tang.
CNS : La Chine et le Japon fêtent en 2022 le 50e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques. Où en sont les échanges dans le domaine archéologique entre les deux pays ?
Bai Yunxiang : Les échanges et les coopérations entre la Chine et le Japon dans le domaine archéologique se divisent en trois catégories. Tout d’abord, les milieux universitaires demeurent très actifs dans les échanges d'idées et de recherches, chaque année les étudiants et les chercheurs étant nombreux à faire des allers-retours entre les deux pays. Puis il existe des projets sino-japonais dans la fouille des sites archéologiques, certes peu nombreux, mais qui ont néanmoins une portée significative. En témoigne notamment la fouille, de 2004 à 2005, de l'ancien étang Taiye du Palais Daming à Chang'an (aujourd'hui dans la ville de Xi'an, au Shaanxi) sous la dynastie Tang. Troisièmement, les recherches thématiques entre la Chine et le Japon, nombreuses et très poussées, marquent également les esprits. Durant 2004 et 2006, les deux pays ont initié le projet de recherche sur les moulages de miroirs de Linzi (Shandong), ancienne capitale du royaume Qi (323 - 221 av. J.-C). Tous ces échanges ont non seulement renforcé les relations amicales entre les deux pays, mais ont également contribué au rayonnement de la culture chinoise sur la scène internationale.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn
Photo : Chinatown de Yokahoma © Yu Kato / Unsplash
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