Sommet des Brics : l’affirmation du bloc russo-chinois
Lors du quatorzième sommet des BRICS du 23 et 24 juin derniers, le discours inaugural du président chinois Xi Jinping a renforcé l’impression d’un soutien quasi inconditionnel à son homologue Vladimir Poutine. Nouvelle confirmation que la Chine se range désormais aux côtés de la Russie.
Cet acronyme désigne un groupe de pays composé depuis 2011 du Brésil, de la Fédération de Russie, de l’Inde, de la République populaire de Chine et de la République d’Afrique du Sud. Ensemble, ces pays représentent plus de 40 % de la population de la planète et 27 % du PIB mondial. Constitué au départ des quatre premiers États précités, ils avaient pour vocation en tant qu’émergents de faire contrepoids au G8 (dont la Russie faisait pourtant déjà partie). Avant la pandémie de la Covid-19, il était estimé que leur poids économique dans la croissance mondiale passerait de 20 % en 2003 à 40 % en 2025. Selon les estimations, les BRICS seraient à l’origine de plus de 50 % de la croissance mondiale au cours des dix dernières années. Quatre des cinq BRICS font partie des dix premières puissances économiques mondiales (Brésil, 7e, Russie, 8e, Inde 10e et Chine 2e). L’Afrique du Sud, première puissance du continent africain, est elle aussi classée parmi les 30 plus importantes économies de la planète (29e rang).
Dès 2011, la Chine détrône le Japon pour se hisser au rang de deuxième puissance économique mondiale. Elle devance même les États-Unis et devient la première puissance économique mondiale en PIB PPA (parité de pouvoir d’achat). La croissance annuelle à deux chiffres que la Chine connaît plusieurs décennies durant joue largement en sa faveur et plaide pour la création autour d’elle non plus qu’une simple alliance économique, mais bel et bien par la création d’un groupe de puissances dont les ambitions sont devenues politiques, notamment celle de concurrencer les grandes institutions internationales occidentales. Véritable force de propositions, Pékin a invité l’Afrique du Sud à rejoindre les BRICS pour deux raisons au moins : l’ouverture sur les marchés africains, l’accès aux matières premières dont les pays du BRICS ont besoin pour maintenir leur croissance mais aussi en vue d’accroître le fonds de réserve d’une banque de développement.
Siège de la Nouvelle Banque de développement à Shanghai, dans l'est de la Chine © Fang Zhe/Xinhua
Symboliquement, son siège est à Shanghai. Plus généralement, les BRICS sont favorables à une refondation des organisations internationales comme le Conseil de Sécurité de l’ONU et les organisations de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale) au nom d’une certaine multipolarité à laquelle chacun de ces États est attaché. Le recours à un étalon monétaire autre que le dollar est très largement partagé par les États membres. Des transactions en yuan entre le Brésil et la Chine ont été ainsi entreprises. Pour autant, certains de leurs intérêts divergent. C’est ainsi que la Chine refuse de soutenir le Brésil dans sa revendication en vue d’obtenir un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Lors du 11e sommet des BRICS qui s’est tenu à Brasilia, en 2019, le Président Bolsonaro n’a pas hésité à dire que la Chine faisait de « plus en plus partie de l’avenir » de son pays. Par ailleurs, les différends frontaliers qui opposent l’Inde à la Chine obèrent l’état de leur coopération multilatérale. Certains évoquent désormais sous l’acronyme de BRIICS l’intégration de l’Indonésie. Ce pays de plus de 250 millions d’habitants représente un marché considérable et affiche depuis des années un taux de croissance annuel de plus de 6 %. La viabilité de cette organisation a été plus d’une fois pointée du doigt. Non seulement parce que les économies russe et brésilienne stagnent mais aussi parce que la Chine traverse depuis la pandémie de la Covid-19 un ralentissement significatif de sa croissance. Son économie étant basée sur les exportations vers des pays de moins en moins portés sur la consommation, ce modèle alternatif né de la globalisation risque de traverser dans les années à venir une longue période de crise. Pourtant cette alliance pourrait faire l’objet d’une résilience. Elle dispose de ses fonds propres et peut bénéficier d’une aide conséquente en provenance de la Banque Asiatique d’Investissements pour les Infrastructures (BAII). Il est probable même qu’après la guerre en Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine veuille rompre l’isolement de son pays consécutif aux sanctions économiques occidentales. Les BRIICS constituent en cela un atout non négligeable dans leur association au projet Belt and Road Initiative (BRI) que Pékin aura sans doute à cœur de relancer contre ce que Moscou et Pékin appellent désormais l’« hégémonie occidentale ».
Emmanuel Lincot est spécialiste d'histoire politique et culturelle de la Chine, professeur à l'Institut catholique de Paris.
Photo du haut : Xinhua
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