
Pourquoi l’Amérique latine est-elle l’âme sœur de la littérature chinoise contemporaine ?
« D'une mer à l'autre, des plaines aux montagnes enneigées, tous les regards sont tournés vers toi, ô Chine ...... » Il y a de nombreuses années, l'écrivain chilien Pablo Neruda a écrit ces lignes enflammées et a visité la Chine à trois reprises. Le lien d'amitié tissé dans un pays étranger avec le poète chinois Ai Qing dont il est devenu proche a laissé un héritage d'échanges culturels entre la Chine et l'Amérique latine.
Les échanges littéraires entre les deux pays se poursuivent sur les traces de Pablo Neruda et d'Ai Qing, l'épidémie ne les a pas affectés, ainsi Lire en quarantaine - Sélection de nouvelles chinoises sera bientôt publié au Mexique. Afin de décrypter le code des échanges littéraires sino-latino-américains, China News a mené une interview exclusive de Sun Xintang qui travaille en Amérique latine depuis de nombreuses années. Sun Xintang est co-rédacteur en chef de cet ouvrage et directeur du Centre d'études latino-américaines de l'Université de langue et de culture de Pékin.
L'année dernière, vous avez édité, traduit ou coordonné la publication de pas moins de dix livres de littérature chinoise dans des pays d'Amérique latine. Quels sont, selon vous, les points communs de ces œuvres en espagnol ? Quels types d'œuvres littéraires chinoises les lecteurs latino-américains préfèrent-ils ?
Ces dernières années, de plus en plus d'œuvres littéraires ont été traduites en espagnol et publiées en Amérique latine, davantage de sinologues et de jeunes traducteurs ont rejoint l'équipe pour traduire et présenter la littérature chinoise. De leur côté, les éditeurs latino-américains tels que Les éditions du XXIe siècle de Mexico, Les éditions Simplement Chili, Les éditions Chili Roma ou le groupe de publication Argentine Amérique Latine ont commencé à s’intéresser aux livres chinois. Afin d’en publier des séries, ils ont mis en place un bureau d'édition de livres chinois et ont systématiquement envisagé de publier des œuvres littéraires chinoises tout en organisant une planification à plus long terme.
Ces œuvres littéraires sont essentiellement des œuvres représentatives de la littérature chinoise contemporaine publiées après la réforme et l'ouverture, reflétant ainsi la réalité sociale contemporaine et les changements historiques en Chine. Par exemple, Le cercle des champignons de A Lai montre la force de survie du peuple tibétain ; Pékin pirate de Xu Zechen et Il n’y a pas de monde pour Chen Jinfang de Shi Yifeng décrivent la croissance et le destin des petites gens vivant au bas de l'échelle sociale ; Les insectes dans l’ambre de Hu Xin et Le travail des poètes de Lan Lan sont des dialogues entre les poètes chinois contemporains héritant d'une tradition poétique millénaire et le monde contemporain…
Le premier « club de lecteurs de littérature chinoise » en Amérique latine a vu le jour au Chili. Quand la littérature chinoise contemporaine est-elle entrée en Amérique latine et quel est son statut actuel ? Pourquoi les lecteurs latino-américains se sont-ils intéressés à la littérature chinoise contemporaine ?
Dans les années 1970, la littérature chinoise moderne a commencé à pénétrer en Amérique latine, à l’image des œuvres de Lu Xun et Lao She. Depuis une dizaine d'années, la popularité de la littérature chinoise contemporaine en Amérique latine a considérablement augmenté.
Ceci est lié à trois raisons dont la première est l'influence croissante de la Chine en Amérique latine, notamment par les relations de plus en plus étroites entre les deux parties dans les domaines du commerce, de l'économie et des investissements. Ensuite, ce contexte a favorisé la hausse du nombre de personnes apprenant le chinois ou développant un intérêt pour la culture chinoise. Enfin, les grands événements d'échange littéraire suscitent l'intérêt croissant des écrivains et des critiques, ainsi que des magazines et des médias littéraires latino-américains. Par exemple, en 2020, le magazine de poésie Le carnet de notes de la Fondation Neruda a publié un numéro spécial à propos de la « poésie chinoise contemporaine », qui a une grande portée en Amérique latine.
Il convient de noter qu'il existe toujours un écart important entre le nombre d'ouvrages latino-américains publiés en Chine et le nombre d'ouvrages chinois publiés en Amérique latine, une raison importante étant que le nombre de sinologues latino-américains et de traducteurs chinois est encore très limité.
Les Latino-Américains connaissent très peu la Chine réelle, et la littérature est un moyen important pour eux de percevoir la culture chinoise et de comprendre la réalité chinoise. Les œuvres de Mo Yan décrivent presque toujours l'histoire et la société chinoises, tandis que sa riche imagination et sa capacité à raconter des histoires le rendent très populaire auprès des lecteurs locaux. En 2019, dans une librairie de Santiago, au Chili, j'ai vu 14 œuvres de Mo Yan exposées dans une vitrine bien visible depuis la rue.
Bien entendu, actuellement, les œuvres les plus populaires en Amérique latine sont également d’immenses succès en Chine, tels que Trois corps de Liu Cixin et Dévoiler le secret de Mai Jia.
Quels sont les défis de la diffusion et de l'échange de la littérature chinoise dans les pays d'Amérique latine ? Comment promouvoir un meilleur échange et une appréciation mutuelle de la littérature chinoise et latino-américaine ?
Les plus grands défis à la diffusion de la littérature chinoise dans les pays d'Amérique latine se situent principalement dans trois domaines : le nombre trop faible de traducteurs, le manque d’enthousiasme et le fait que les différents départements travaillent de manière isolée et n'ont pas formé de synergie. Quant à la manière de mieux s'apprécier mutuellement, quelques exemples suffiront à l'illustrer.
Les voyages de nombreux écrivains et poètes chinois en Amérique latine constituent leur premier contact avec ce continent. Dans un recueil de poèmes intitulé La fin du monde, le poète Zhou Sese a fait publier ses réflexions et ses sentiments faisant suite à son voyage en Amérique latine.
Le poète mexicain Margarito Cuellar a lu la version anglaise de Gulian et Gao Yao, un long poème de Zhao Lihong. Quelques jours après l’avoir traduit en espagnol, il me l'a envoyé pour une relecture. Un poète traduit la poésie du mieux qu'il peut ! J'ai seulement corrigé quelques pertes de sens et de sémantique. Ce poème a été publié il y a peu dans Altasol un magazine parrainé par la Fondation Vidovro au Chili. Ce « dialogue » entre Margarito Cuellar et Zhao Lihong est fantastique.
L'histoire des échanges littéraires entre la Chine et l'Amérique latine se joue en fait chaque jour, même pendant l'épidémie. Coédité et traduit par la sinologue mexicaine et professeur Liljana Arsovska de l'Instituto de México avec la participation de nombreux jeunes traducteurs et étudiants diplômés du Centre d'études asiatiques et africaines de l'Instituto de México, la publication prochaine de Lire en quarantaine – Sélection de nouvelles chinoises, est très gratifiante. Ces jeunes traducteurs dialoguent avec des écrivains chinois dans le cadre d'un processus de traduction et d'échange…
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo : 45e Foire internationale du livre de Buenos Aires ⓒ CGTN
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