
Tunisie : un méga-barrage construit par la Chine
Dans la vallée de la rivière Mellegue, une rivière traversant la province du Kef, dans le nord-ouest de la Tunisie, un barrage géant est en construction. Une fois les travaux achevés, il deviendra l’une des plus grandes installations de conservation d’eau en Afrique du Nord.
Le barrage d’Oued Mellegue, d’une capacité maximale de 305 millions de mètres cubes d’eau, devrait jouer un rôle important dans la protection de l’environnement et représenter une ressource considérable pour l’irrigation. Il évitera l’inondation annuelle de la plaine de Jendouba et permettra d’irriguer la basse vallée de la Medjerda tout en produisant de l’électricité. Une fois celui-ci achevé, le secteur agricole de la région du Kef devrait connaître une grande évolution, dans un contexte caractérisé par le retour du débat sur l’importance de l’agriculture.
Derrière ce barrage, c’est la Power Construction Corporation of China (Power China), cotée à la Bourse de Shanghai, qui a remporté l’appel d’offres en mai 2016, pour le remplacement de l’ancien barrage délabré. Le coût du projet est estimé à environ 178,37 millions de dinars (91,27 millions de dollars). Avec une livraison prévue pour septembre 2023, le projet semble enregistrer un avancement régulier. En effet, la Chine est un partenaire de longue date de la Tunisie en matière hydraulique. Le canal Medjerda-Cap Bon, mis en service en 1982, en est une autre illustration.
Classée au 30e rang des pays confrontés à un niveau élevé de stress hydrique, la Tunisie tente de développer plusieurs projets pour son approvisionnement en eau. Le pays devra faire face de manière plus sévère aux conséquences du changement climatique, notamment la sécheresse, qui menace 75 % du territoire national, et la désertification. Son territoire étant en grande partie en zone aride, la disponibilité de l’eau par an et par habitant est depuis plus de 30 ans inférieure au seuil de pénurie d’eau absolue (fixé 500 m3/an/habitant). Actuellement 92 % du potentiel des eaux de surface ont déjà été mobilisés, fragilisant les écosystèmes, premiers usagers des ressources. Six grands barrages ont été construits sur les six principaux cours d’eau autour du lac Ichkeul, le privant ainsi des ressources qui l’alimentaient autrefois et qui assuraient un équilibre pérenne, réduisant notablement les populations d’oiseaux migrateurs sur le site.
Plus de 4/5 de l’eau (82 %) mobilisée est alloué à l’agriculture irriguée qui ne couvre que 4 % des terres agricoles. Notons que 80 % des besoins en eau des secteurs demandeurs d’irrigation proviennent des nappes souterraines, où l’on assiste à une surexploitation alarmante par la prolifération des forages illicites engendrant une détérioration de la qualité de l’eau des nappes (par l’intrusion d’eau de mer, par exemple), et donc la salinisation des sols, accélérant la désertification.
Donia Jemli est spécialiste des relations internationales, responsable du pôle Afrique du Nord à l’OFNRS.
En partenariat avec L’Observatoire français des nouvelles routes de la soie (OFNRS). Retrouvez tous les articles sur observatoirenrs.com.
Photo : Mellègue Nagaboussi, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
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