
Pourquoi les temples thaïlandais sont-ils riches en éléments artistiques chinois ?
L'universitaire thaïlandaise Achirat Chaiyapotpanit (nom chinois : Chen Liuling) a récemment accordé une interview exclusive à China News à ce sujet. Selon elle, la Thaïlande entretient des liens étroits avec la Chine depuis l'Antiquité et l'art chinois a, très tôt, été introduit en Thaïlande. L'influence de l'art chinois sur l'art thaïlandais (principalement l'art bouddhique) a atteint son apogée surtout pendant les règnes des rois Rama II et III en Thaïlande.
Comment l'art chinois a-t-il influencé l'art bouddhique thaïlandais ?
La découverte archéologique de céramiques chinoises de la dynastie Han en Thaïlande montre que les échanges artistiques entre la Thaïlande et la Chine remontent au moins à la dynastie Han. Cependant, à cette époque et longtemps après, la culture chinoise dont l'art, avait peu d'influence en Thaïlande.
L'art chinois a eu un impact considérable sur l'art bouddhique thaïlandais. Cette influence a commencé sous le règne du roi Rama II et s'est épanoui sous le règne de Rama III (première moitié du XIXe siècle). Derrière cela, je pense qu'il y a deux facteurs principaux : premièrement, le changement de valeurs de l'aristocratie thaïlandaise au début du Royaume de Rattanakosin (1782-1932) avec sa capitale à Bangkok. C’est une aristocratie plus ouverte que la précédente avec une vision laïque et réaliste de la religion et du monde. À cette époque, la Chine était comme un « grand frère remarquable », le seul pays que l'aristocratie thaïlandaise tenait en haute estime. Deuxièmement, les immigrants chinois ont émigré pour vivre en Thaïlande, apportant avec eux de nombreux arts et artisanats chinois, notamment l'architecture, la sculpture et la peinture. C'est ainsi que des temples thaïlandais ont commencé à utiliser largement le langage artistique chinois, notamment en architecture, en peinture et en sculpture.
Comment l'art chinois s'est-il répandu en Thaïlande ? Comment a évolué son influence sur l'art bouddhique thaïlandais ?
Des recherches ont montré que les principales voies de diffusion de l'art chinois en Thaïlande étaient, d'une part, le commerce tributaire et d'autre part, la diaspora chinoise.
Les échanges tributaires entre la Thaïlande et la Chine ont commencé avant la dynastie Sukhothai (1257-1436) en Thaïlande. En entrant dans l'ère de Rattanakosin, la dynastie de Bangkok, les tributs de la Thaïlande à la Chine se sont stabilisés. Avec la prospérité du commerce tributaire, l'art chinois a eu de plus en plus d'influence sur l'art bouddhique thaïlandais. En se rendant dans les nombreux temples construits à cette époque, on remarque de premier abord que l'art chinois y occupe une place importante. En outre, un grand nombre d'immigrants chinois sont venus en Thaïlande, ce qui a également contribué à la diffusion de l'art et de l’esthétique chinois.
Au cours de l'Histoire, l'influence de l'art chinois sur l'art bouddhique thaïlandais a connu à peu près quatre grandes périodes. La première période était aux alentours de la dynastie chinoise des Han, lorsqu'il y a eu les premiers échanges artistiques entre les deux pays. La deuxième période s'est déroulée pendant les dynasties Sukhothai et Ayutthaya. L'artisanat chinois de la céramique a été introduit en Thaïlande pendant la période Sukhothai. Certains ornements et motifs sur de la porcelaine de cette époque présentaient clairement les caractéristiques de la culture et de l'art chinois. La troisième période a été celle de la dynastie de Rama II et III à Bangkok, où un grand nombre d'éléments artistiques chinois sont apparus dans les temples bouddhistes thaïlandais et ont prospéré sous le règne de Rama III. Durant la quatrième période, avec le règne de Rama IV, l'influence de l'art chinois sur l'art bouddhique thaïlandais s'est atténuée. Néanmoins, bien que l'art occidental soit devenu plus influent en Thaïlande par la suite, l'influence de l'art chinois n’a pas disparu. L'art et l'esthétique chinois apportés par le grand nombre d'immigrants chinois ont continué d'influencer l'art bouddhique thaïlandais au sein de la population.
Quelles sont les caractéristiques de l'influence chinoise sur l'art bouddhique thaïlandais ? Quel rôle jouent les éléments artistiques chinois dans les caractéristiques de l'art bouddhique thaïlandais ?
L'influence chinoise sur l'art bouddhique thaïlandais prend la forme de spécificités locales chinoises importantes. L'art chinois est diversifié et la création artistique de chaque endroit a ses propres caractéristiques. Par exemple, nous pouvons diviser généralement l'architecture chinoise en architecture septentrionale et méridionale. Bien que le commerce tributaire officiel ait joué un rôle important dans la promotion des échanges artistiques thaïlandais et chinois, l'art du sud de la Chine apporté par les immigrants de cette région se reflète davantage dans l'art bouddhique thaïlandais. L'art populaire des régions côtières du sud-est de la Chine est devenu une source importante d'art bouddhique à l'époque de Rama II et III. Le tableau « Santian Hehetu » et les sculptures en poterie peinte du Guangdong, les pignons à cinq éléments et les décorations en porcelaine de l'Est du Guangdong, la « représentation des Trois royaumes » (sanguo yanyitu) et les sculptures en pierre du Fujian, ainsi que les sculptures en pierre du Zhejiang confirment toutes cette conjecture. Le commerce entre la Thaïlande et la Chine étant à l'époque essentiellement concentré le long de la côte sud-est de la Chine et les Chinois qui ont émigré en Thaïlande venant surtout du Guangdong, du Fujian et de Hainan, l'art bouddhique thaïlandais a été principalement influencé par l'art du littoral du sud-est de la Chine.
L'adoption d'éléments artistiques chinois a contribué à la formation de l'art bouddhique thaïlandais et lui a « apporté un nouveau souffle ». Sous les règnes de Rama II et III, la disposition architecturale des temples a continué à suivre la tradition thaïlandaise originale, mais des changements importants ont été apportés à la décoration. En plus d'utiliser des structures traditionnelles, les artisans se sont aussi beaucoup inspirés des styles artistiques chinois. L'art chinois est devenu une partie extrêmement importante dans le design des temples.
En matière d'architecture, on retrouve des pignons à cinq éléments et des portes et fenêtres octogonales et circulaires d’un style architectural de Chaoshan dans les temples thaïlandais. Des motifs de bon augure et des thèmes culturels chinois tels que les « deux généraux célestes des portes », les « Trois royaumes » et les « trois dieux de la fortune, de la prospérité et de la longévité », ont commencé à apparaître à l'intérieur des salles Shoujie et des salles accueillant des statues de Bouddha. En matière de sculpture, les principales statues du temple, telles que celles de Bouddhas, de disciples et les codes couleurs, ont beau avoir toujours suivi la tradition thaïlandaise, les statues décoratives ajoutées au temple par les designers démontrent d’une origine artistique chinoise. Par exemple, les carreaux de porcelaine décorant les bâtiments, les récipients en céramique décoratifs, les sculptures en poterie peinte, les sculptures en pierre décorant l'environnement du temple et les thèmes de sculpture tels que les dragons, les phénix, les kilins, les pivoines et les objets anciens sont clairement issus de l'art chinois.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : Unsplash
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