
L’improbable « carnaval chinois » de Dietfurt an der Altmühl, le premier « Chinatown » d’Europe
Cette réputation, Dietfurt an der Altmühl la doit essentiellement à l’organisation annuelle d’un genre très particulier de carnaval chinois, organisé à chaque hiver en février. Une occasion où des lanternes rouges sont suspendues partout dans les rues, où des inscriptions de papier – sur lesquels sont inscrit le mot fortune en chinois (fu 福) – sont affichées aux portes et aux fenêtres. Un carnaval où défilent des centaines d’habitants déguisés pour l’occasion en habit traditionnel chinois.
Comment la ville de Dietfurt an der Altmühl est-elle devenue une sorte d’îlot chinois dans une Allemagne pourtant située à des milliers de kilomètres de l’empire du Milieu ? Comment se déroulent les échanges entre les habitants locaux et la Chine ? Quelles sont les expériences que cette ville allemande de Bavière pourrait partager pour promouvoir le renforcement des liens diplomatiques et culturels entre l’Allemagne et la Chine ? Pour répondre à ces questions, le média chinois China News est allé à la rencontre de Bernd Mayr, le maire de Dietfurt an der Altmühl.
Dietfurt an der Altmühl est considérée comme le tout premier « Chinatown » européen. Pouvez-vous nous en dire plus sur les origines d’une telle réputation ?
Pour comprendre les origines de cette mode à Dietfurt an der Altmühl, il faut remonter à l’époque du Moyen Âge. Entre 1400 et 1450 environ, alors que notre ville faisait partie du diocèse d’Eichstätt, l’évêque y envoyait régulièrement un fonctionnaire chargé de la collecte des impôts. Dietfurt an der Altmühl était une ville fortifiée à cette époque, elle était équipée de grands murs et de deux grandes portes. Lorsque le fonctionnaire chargé de la collecte de l’impôt arrivait, les habitants de la ville fermaient la ville et se plaçaient en haut des tours de garde, pour exprimer leur désaccord avec la politique de l’évêque. Ils jugeaient alors que ce dernier ne se préoccupait pas assez de leur sort et qu’il ne méritait donc pas que l’on lui paye son dû.
Le collecteur d’impôt n’avait d’autre choix que de repartir et de consigner le comportement des habitants de Dietfurt an der Altmühl dans un livre. Dans ce livre, qui est toujours disponible aujourd’hui, les habitants de Dietfurt an der Altmühl sont comparés aux Chinois, dont on dit qu’ils se cachent eux aussi derrière leur grande muraille. C'est pour cette raison que les habitants de Dietfurt an der Altmühl ont été surnommés « les Chinois ».
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, un carnaval chinois a commencé à prendre forme à Dietfurt an der Altmühl. De nombreux spectacles ont commencé à être organisés, avec des orchestres d’instruments traditionnels chinois, des défilés, des déguisements, etc. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que les festivités ont pris de l’ampleur et que les habitants de Dietfurt an der Altmühl ont vraiment confirmé leur réputation de « Chinois de Bavière ». Certains enfants de la ville se sont déguisés en costume traditionnel chinois dès leur plus jeune âge pour participer au carnaval et la coutume s’est depuis répétée pendant plusieurs décennies.
Comment s’est déroulée l’organisation du carnaval pour cette année 2023 ? Qu’est ce qui a été prévu ?
Cette édition 2023 met à l’honneur un Empereur chinois. Pour la première fois, on présente également l’empereur aux côtés de l’impératrice. Tous deux sont accompagnés d’un important cortège et leur rôle est interprété par un vrai couple, marié dans la vraie vie, choisi parmi les habitants de Dietfurt an der Altmühl. Il y a aussi un soldat chinois et un cuisinier. Le carnaval commence à 14h le jeudi 16 février et prend d’abord la forme d’un grand défilé. Il est suivi d’une représentation théâtrale à laquelle tout le monde peut assister et durant laquelle on peut rendre hommage à l’empereur et à l’impératrice. Le carnaval se déplace dans les rues, dans les bars, etc.
Est-ce que des habitants de Dietfurt an der Altmühl ont déjà visité la Chine ? Que connaissent-ils de ce pays ?
Il est vrai que seulement très peu d’habitants de Dietfurt an der Altmühl ont déjà visité la Chine. En 2016, une délégation de 30 personnes de notre ville s’est rendue à Nankin. En 1999, l’orchestre de Dietfurt an der Altmühl a également visité Pékin, là aussi avec un groupe composé d'une trentaine de personnes. Il y a aussi plusieurs hommes d’affaires de notre ville qui se sont rendus en Chine. Mais dans l’ensemble, la plupart des habitants de Dietfurt an der Altmühl ne se sont jamais rendus en Chine. Certes, le « carnaval chinois » que nous organisons chaque année explique en partie pourquoi les habitants de Dietfurt an der Altmühl sont plus ouverts d’esprit que les habitants des autres villes allemandes. De même les habitants de notre ville sont très heureux que des Chinois viennent visiter Dietfurt an der Altmühl chaque année. On peut citer par exemple la délégation du consulat général de Chine à Munich ou de l'Institut Confucius de Munich, qui ont fait le déplacement pour se rendre à Dietfurt an der Altmühl. On voit aussi parfois des Chinois se promener dans nos rues.
Lors de l’évènement « rencontre d’été entre la Bavière et la Chine », par exemple, nous avons aussi eu la visite du consul général de Chine à Munich, Tong Defa. Nous avons eu un long échange amical avec la délégation et nous avons assisté à des spectacles de danse et de musique traditionnelle chinoise. Même si Dietfurt an der Altmühl est une petite ville, il faut reconnaître que nous avons apporté une certaine contribution au renforcement de l'amitié entre la région de Bavière et la Chine. C’est justement parce qu’il y a ces régulières interactions entre nos deux pays que le dialogue culturel est possible.
Quel est le niveau actuel des échanges entre Dietfurt an der Altmühl et la Chine ?
Nous entretenons très régulièrement des relations avec la Chine. À titre personnel, j’ai par exemple été invité à une cérémonie du Nouvel An chinois du consulat général de Chine à Munich, le 15 janvier dernier. Le consulat général de Chine nous a beaucoup aidé pour organiser le carnaval cette année, pour que nous puissions décorer la ville dans le style traditionnel chinois, etc. Nous essayons de développer de nouvelles activités chaque année, qu'il s'agisse de cours de langue et d'écriture, de peinture ou de cuisine, nous bénéficions toujours d'un grand soutien. Le centre culturel local organise aussi une journée culturelle spéciale autour de thèmes chinois, où les gens sont invités à apprendre les caractères chinois, à cuisiner chinois, même le restaurant chinois de Dietfurt an der Altmühl s'implique également. Enfin, Dietfurt an der Altmühl compte deux entreprises du secteur automobile et celles-ci entretiennent des relations commerciales très étroites avec la Chine, avec des ventes et une production importante sur le marché chinois. De ce point de vue, notre partenariat est très bon et très positif. Depuis 2014, nous entretenons aussi une relation de ville jumelée avec la ville chinoise de Nankin. Je prévois d’accompagner une délégation du secteur économique à Nankin en 2024 : j’attends cela avec impatience.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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