Vladivostok, un nouvel accès maritime pour la Chine du nord-est
Depuis le 1er juin dernier, les marchandises à destination du marché chinois peuvent être acheminées depuis Vladivostok (Haishenwai). La ville portuaire russe renoue avec ses origines chinoises, à la faveur du renforcement des liens commerciaux entre la Chine et la Russie.
Vladivostok se met à l’heure chinoise. Comme l’a récemment confirmé l’Administration générale des douanes de Chine, les produits transportés des provinces du nord- est vers des destinations du sud du pays peuvent être livrés par le port russe depuis le 1er juin 2023. Est-ce la première étape d’une influence croissante de la Chine sur ce port, notamment dans sa stratégie de « route de la soie polaire » ? À l’époque où elle s’appelait encore de son nom chinois Haishenwai, Vladivostok a été une région chinoise jusqu’en 1860, lorsque la dynastie Qing l’a cédée à l’Empire russe, suite au Traité de Pékin. Actuellement, elle est la plus grande ville portuaire russe de la côte du Pacifique, le principal hub de transit maritime de l’Extrême-Orient russe et le siège de la flotte du Pacifique russe. Les provinces chinoises du Heilongjiang et du Jilin, qui bordent la ville russe n’ont pas eu d’accès maritime direct depuis plus de 163 ans.
Une demande chinoise ?
Certains analystes soulignent que c’est un « dividende » pour la Chine de la part de la Russie, en raison de la guerre en Ukraine. James Dorsey, de l’École Rajaratnam des études internationales de l’Université de technologie de Nanyang, a estimé que l’ouverture du port est un geste de « bonne volonté » envers la Chine. Il a déclaré qu’après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, le vent des relations sino- russes avait tourné en faveur de la Chine, alors que la Russie a besoin de la Chine et se fait donc plus active dans la promotion de la coopération économique entre les deux pays. Il a aussi noté que même si la Chine deviendra la partie la plus forte dans les relations sino-russes, l’interprétation selon laquelle la Russie deviendrait un État vassal de la Chine est une simplification excessive, car la Chine a également besoin du soutien de la Russie.
Le soja sibérien
Le président de la Russie, Vladimir Poutine, s’est également exprimé sur le sujet, en déclarant que les plantations de l’Extrême-Orient devraient être entièrement consacrées à la culture du soja pour fournir le marché chinois. Il a ainsi affirmé que « les Chinois sont très favorables à nos producteurs de soja, ils sont prêts à accepter un très grand nombre de livraisons ». Dans le même temps, il a ajouté que le commerce n’était pas seulement bénéfique d’un point de vue « stratégique », mais également « pratique » pour la Chine. Vladimir Poutine a souligné que les approvisionnements russes étaient bon marché car la route de transport était très courte. Il a également ajouté que grâce à la récolte de soja de l’année dernière, la Russie a pu commencer à construire des usines. Récemment, en 2019, malgré le rapprochement sino- russe, certains habitants de l’Extrême- Orient qualifiaient encore la stratégie de la Chine envers ses territoires voisins « d'expansion ». Ils ajoutent cependant que sans les investisseurs chinois, les terres resteraient inutilisées.
En février, le ministère chinois des Ressources naturelles a publié une réglementation sur le contenu des cartes, exigeant que les anciens noms chinois soient ajoutés aux noms géographiques actuels en russe sur huit lieues le long de la frontière russo-chinoise. Cela signifie que Vladivostok, la capitale administrative de la région, doit désormais porter le nom chinois de « Haishenwai » sur les documents officiels.
Adrien Mugnier est directeur de l’OFNRS
En partenariat avec L’Observatoire français des Nouvelles Routes de la soie
Photo © Guo Feizhou/Xinhua
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