
[Interview] Aymeric Monville : « J'apprécie énormément le rôle qu'exerce la Chine de gardien des principes de la Charte de l'ONU dans le respect de chaque nation »
À l’occasion de la visite du président chinois Xi Jinping en France le 6 et 7 mai 2024, l’écrivain Aymeric Monville répond aux questions de Nouvelles d’Europe.
Que pensez-vous de la visite du président Xi Jinping en France et qu'attendez-vous du développement des relations entre la Chine et la France ?
Dans le contexte actuel, je suis particulièrement ému de voir le représentant d'un des pays les plus pacifiques de toute l'histoire mondiale, la Chine, rencontrer celui d'un pays, au passé glorieux certes, mais néanmoins fort belliqueux et expansionniste, la France, et qui, si j'en juge par les déclarations récentes du président français sur la possibilité de l'envoi de soldats français en Ukraine, pourrait bien déclencher la troisième guerre mondiale. On peine à comprendre, ici, que deux guerres mondiales sont déjà parties d'Europe et pas d'ailleurs, ce qui devrait nous faire nous interroger sur cette contribution très négative au développement de l'humanité, alors que longtemps, trop longtemps, l'Europe s'est crue en droit de donner des leçons au monde. Outre un renforcement des échanges, qui favorisent au final la paix, la Chine pourra sans doute, avec l'exemple de sa majesté tranquille et de ses nombreux succès, prodiguer des conseils de prudence.
« La civilisation chinoise est la seule grande civilisation ininterrompue qui se perpétue à ce jour sous forme d'État », a récemment écrit le président Xi Jinping (Discours à la conférence sur le patrimoine et le développement culturel). La France a aussi le sens du service public et de l'État et l'on a pu parler, à son sujet, d'un des rares pays où l'État a créé la Nation et non l'inverse. Je pense donc que nous pouvons parfaitement tirer profit d'une vision de long terme qui permette de renforcer cette stabilité si précieuse sur laquelle nous avons bâti nos civilisations respectives.
Xi Jinping a souligné que l'histoire unique des relations sino-françaises a façonné « l'esprit sino-français », c'est-à-dire l'indépendance, la compréhension mutuelle, la prévoyance et le bénéfice mutuel et la coopération gagnant-gagnant. Comment pensez-vous que cet « esprit sino-français » peut être appliqué à la diplomatie des grandes puissances ? Comment peut-il avoir un impact positif sur les affaires sino-françaises, sino-européennes et internationales ?
Tout préside à l'union entre nos deux pays : l'absence de contentieux frontalier de deux pays situés à des kilomètres l'un de l'autre mais partageant, aussi paradoxalement que cela paraisse, des points communs extrêmement frappants : une aura culturelle majeure dans leur continent respectif, un véritable magistère, et un goût, issu de cette culture, pour le débat d'idées, le refus du fanatisme et la laïcité (respect des croyances de chacun). Le très grand connaisseur chinois de notre pays, Zheng Ruolin, résume bien l'essentiel, dans un récent article paru dans Guancha (Shanghaï), en disant que la Chine et la France sont également des « superpuissances », pas seulement dans le nucléaire et à l'ONU, mais surtout dans le domaine de la littérature (« nous avons Cao Xueqin, la France a Victor Hugo, nous avons Lu Xun, et la France a Jean-Paul Sartre ») sans oublier la gastronomie !
N'oublions pas, enfin, non plus que ce sont deux républiques, très attachées à l'égalité de tous devant la loi.
Quelle est, selon vous, la particularité des relations sino-françaises sur la scène internationale ?
Depuis 1964, le général de Gaulle avait bien vu que la Chine et la France pouvaient peser ensemble face à un monde alors foncièrement bipolarisé par la montée des États-Unis et de l'URSS. Puis, avec la reconnaissance tant attendue de la Chine à l'ONU, la France et la Chine partagent tous deux un siège permanent au Conseil de sécurité, ce qui est un héritage mérité de la grande victoire sur le fascisme hitlérien et le militarisme japonais qu'ont remporté les résistances intérieures chinoises et françaises, l'une comme l'autre étant très imprégnées de l'esprit de sacrifice des militants communistes. Et cette situation ne fait que renforcer cette intuition gaullienne. À ce sujet, plus que jamais il faut que la France sorte de l'OTAN, et ne participe plus, par exemple, aux manœuvres militaires en Mer de Chine, comme nous l'avons vu récemment.
Que pensez-vous de la proposition de Xi Jinping d’un « monde multipolaire équitable et ordonné et une mondialisation économique inclusive » face à la coopération internationale multidisciplinaire et aux conflits internationaux ?
C'est la première fois qu'une proposition d'envergure mondiale est pensée sous le terme de la réciprocité. L'Europe puis l'Amérique du Nord n'ont su jusqu'à présent que formuler des messages paternalistes au monde, voire comminatoires, alors qu'ils ne cessent de s'enfoncer dans leurs contradictions. Au contraire, c'est précisément la combinaison dialectique du grand essor économique et technologique de la Chine et du succès croissant de sa politique coopérative et non prédatrice à l'échelle internationale, à commencer par les BRICS+ et les Routes de la Soie (infrastructures, Internet et aqueducs en Asie, en Afrique, en Amérique latine, etc.) qui fait son succès. J'apprécie énormément le rôle qu'exerce la Chine de gardien des principes de la Charte de l'ONU dans le respect de chaque nation. Les progressistes en France apprécient aussi également l'idée de « communauté de destin pour l'humanité » formulé par le président Xi Jinping. Le pays où a été créé ce chant immortel qu'est L'Internationale ne peut que saluer tous ces efforts pour la reconnaissance effective de la dignité de chaque nation.
Comment pensez-vous que les centaines d'échanges culturels qui auront lieu pendant l'Année de la culture et du tourisme contribueront à la compréhension mutuelle des civilisations et aux échanges entre les peuples ?
Je pense que tout cela est extrêmement positif. Je pense qu'il faut se battre également contre la propagande antichinoise délirante (regardez le rôle d'un Raphaël Glucksmann, qui prétend incarner la gauche en France), comme je l'ai fait récemment en accompagnant Maxime Vivas au Xinjiang et en publiant et présentant son livre de retour il y a un mois environ, Ouïghours : l'horreur était dans nos médias (éditions Delga, Paris, 2024). Il faut désormais confondre nos propres médias français, qui ont dit tellement de bêtises au sujet du Xinjiang et n'ont pas hésité à traîner Maxime Vivas dans la boue. Désormais, ces mêmes médias font l'autruche, de peur d'avoir à s'expliquer quand la vérité éclate, à mesure que de nombreux visiteurs en reviennent, sur la prospérité de la région du Xinjiang où tous les citoyens chinois, quelles que soient leur langue maternelle ou leur religion, y gagnent. C'est aussi le point de départ des nouvelles Routes de la soie, où, là encore, tous les peuples concernés ont à y gagner.
© Les éditions Delga
Aymeric Monville est auteur de nombreux essais de philosophie politique.
Photo du haut : Dr.
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