
[France-Chine 60 ans] Zhao Yongsheng : « Pour les entreprises françaises, l’attractivité du marché chinois peut se résumer en deux mots : envergure et capacité »
Il y a soixante ans, l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France a ouvert la voie aux échanges et à la coopération entre la Chine et l’Occident dans un monde encore en guerre froide. La France est également devenue le premier grand pays occidental à établir des relations diplomatiques formelles avec la Chine nouvelle.
Au cours des soixante dernières années, les relations sino-françaises ont toujours été au premier plan des relations de la Chine avec les pays occidentaux. Le volume des échanges commerciaux bilatéraux entre les deux pays a été multiplié par 800 entre 1964, année de l’établissement des relations diplomatiques, et 2022, passant de 100 millions à 81,2 milliards de dollars. Aujourd’hui, la Chine est le premier partenaire commercial de la France en Asie et son septième partenaire à l’échelle mondiale. Quant à la France, elle est le troisième partenaire commercial de la Chine et sa troisième source d’investissements réels dans l’Union européenne.
Quels sont les besoins complémentaires des deux pays en matière de coopération économique ? Comment le marché français perçoit-il les produits chinois ? Récemment, Zhao Yongsheng, directeur du Centre de recherche sur l’économie française de l’Université de Commerce international et d’économie (UIBE) et directeur de thèse à l’Université de la Sorbonne de Paris, a accordé une interview exclusive à China News pour répondre à ces questions.
Quelle est la situation actuelle des échanges économiques entre la Chine et la France et quel rôle jouent-ils dans les échanges entre la Chine et l’Europe, et même avec le reste du monde ?
D’un point de vue historique, la France et l’Union européenne ont toujours été les principaux partenaires commerciaux de la Chine.
Salon international de l'industrie nucléaire de Chine, Pékin 2018
D’un point de vue mondial, ces dernières années, les principaux partenaires commerciaux de la Chine ont été essentiellement l’UE et l’ASEAN, qui sont alternativement les deux plus grandes alliances économiques. La France, qui est l’un des piliers de l’UE, a toujours été l’un des principaux partenaires commerciaux de la Chine. D’une manière générale, les relations économiques et commerciales entre la Chine et la France ont maintenu une bonne dynamique de croissance.
Si l’on s’attarde sur le classement des pays, la France est le troisième partenaire commercial européen de la Chine et sa troisième source d’investissements réels dans l’UE, tandis que la Chine est le plus grand partenaire commercial de la France en Asie et le septième à l’échelle mondiale. La Chine et la France progressent sans heurts dans des projets de coopération traditionnels tels que l’énergie nucléaire civile, les trains à grande vitesse et l’aérospatiale. Parallèlement, il existe d’énormes perspectives de coopération dans de nouveaux domaines tels que l’économie numérique, les énergies renouvelables et l’agroalimentaire biologique.
L’ambassadeur de France en Chine Bertrand Lortholary a révélé que la France est le pays européen qui investit le plus en Chine en termes de nombre d’entreprises, avec plus de 2 000 entreprises en Chine et un effectif total de plus de 300 000 personnes. 140 entreprises françaises ont également participé à la sixième Exposition internationale d’importation de la Chine. Pourquoi les entreprises françaises sont-elles optimistes à l’égard du marché chinois ?
Pour les entreprises françaises, l’attractivité du marché chinois peut se résumer en deux mots : envergure et capacité.
La première est la taille du marché, soit l’énorme marché de consommation chinois et sa population de consommateurs. La France est un pays de taille moyenne, avec une population d’un peu plus de 68 millions d’habitants, et la population chinoise lui est 20,5 fois supérieure. Cela représente un attrait énorme, rien qu’en termes de population.
La seconde est la capacité de consommation. Celle de la Chine s’accroît de jour en jour et le pouvoir d’achat des consommateurs a augmenté rapidement après la réforme et l’ouverture. Les représentants des classes moyennes ont également grossi, ce qui constitue un autre attrait majeur pour la France.
Pavillon français d'origine de l'Exposition universelle de Shanghai conservé dans le Parc Nord du Parc culturel de l'Exposition universelle de Shanghai
D’un point de vue dynamique, le marché chinois représente un énorme potentiel pour les entreprises françaises. Grâce à sa croissance économique soutenue et rapide, le marché chinois a un énorme potentiel à moyen et long terme, ce qui est très attractif pour les entreprises françaises et en particulier pour les entreprises et les institutions qui envisagent un développement à moyen et long terme et une expansion dans le domaine des hautes technologies.
La Chine et la France sont des partenaires importants l’une pour l’autre. Quels besoins complémentaires ont-elles en termes de coopération économique et commerciale ?
La Chine et la France ont fait de grands progrès en matière de coopération économique et commerciale au cours des soixante dernières années, mais un écart persiste encore par rapport à l’Allemagne, même si le potentiel de développement est important. La Chine et la France sont deux économies dotées de structures économiques relativement complètes et d’un large éventail de secteurs industriels, si bien qu’elles ont en effet de nombreux besoins complémentaires en termes de coopération commerciale et économique.
Je pense qu’il existe trois grands domaines, à savoir les domaines traditionnels, les domaines émergents et les marchés tiers. Cependant, le processus de mise en œuvre réel présente certaines difficultés, telles que la répartition rationnelle et optimale des ressources chinoises et françaises limitées entre les domaines traditionnels que sont l’énergie nucléaire civile et l’aérospatiale et les domaines émergents que sont l’éducation, les sciences, les technologies, la transition énergétique et le développement durable. C’est un sujet qui mérite une étude approfondie de la part des experts et des décideurs chinois et français. Quant au marché tiers sino-français, bien qu’il y ait eu des cas de réussite par le passé, il existe un besoin urgent d’accroître la coopération entre la Chine et la France pour rendre les marchés tiers opérationnels et atteindre une « complémentarité avantageuse entre les domaines traditionnels, émergents et tiers ».
Drapeaux français et chinois à Péris en 2019
Comment la France envisage-t-elle aujourd’hui ses relations économiques et commerciales avec la Chine ? De nouvelles élections parlementaires auront lieu cette année en Europe. Quel impact auront-elles sur les relations sino-françaises ? Quel regard devons-nous porter sur ces relations ?
Après recherche, je pense que les dirigeants français attachent une grande importance aux relations économiques et commerciales avec la Chine, contrairement aux décisionnaires de niveau intermédiaire et inférieur, qui n’y accordent pas beaucoup d’attention ou qui ne savent pas comment s’y prendre.
La raison en est, d’une part, que le volume total des échanges entre la France et la Chine est relativement faible. Même si la position de la Chine parmi les partenaires commerciaux de la France est déjà très élevée, elle reste encore très disproportionnée par rapport à la position commerciale réelle de la Chine à l’échelle mondiale. D’autre part, même si quelques personnes éclairées en France ont pris conscience de la grande importance des relations commerciales et économiques avec la Chine, les décideurs politiques français de niveau intermédiaire et inférieur, à l’exception des niveaux les plus élevés, n’ont pas encore réellement porté leur attention sur la Chine.
Salon international des énergies nouvelles et des véhicules connectés intelligents, Haikou, Hainan 2024
Les nouvelles élections parlementaires européennes affecteront bien évidemment les relations sino-françaises, mais le paysage politique au sens large de la France, et même de l’UE, ne subira pas de changements majeurs, en particulier dans le contexte du dernier remaniement ministériel particulier et ciblé du président Macron. Je pense que les élections parlementaires européennes n’auront pas d’impact significatif sur les relations sino-françaises, notamment au niveau des relations économiques et commerciales. Après tout, le marché français est un marché mature, orienté vers le haut de gamme. C’est un marché plus accommodant dans l’ensemble, qui est en phase avec son temps.
En outre, cette année est également l’Année franco-chinoise du tourisme culturel. La Chine et la France peuvent tirer pleinement parti de cette opportunité pour utiliser les ressources culturelles et touristiques des deux pays et les transformer en avantages économiques.
Je suggère tout d’abord de lier le tourisme culturel franco-chinois à l’économie et d’accroître les retombées économiques des activités culturelles sur la base des échanges touristiques culturels entre les deux pays. Deuxièmement, je pense que les activités de tourisme culturel franco-chinoises doivent être davantage axées sur le contenu et le sens. Après soixante ans de pratique, il faut avouer que la coopération a mûri, mais il est encore nécessaire d’approfondir son contenu, de se concentrer sur la croissance et, surtout, d’améliorer sa capacité à transformer les retombées économiques.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : stand du groupe français Michelin lors de la 3e China International Import Expo, Shanghai 2020. / CNS
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