Pour Lula et la Chine, quel bilan depuis le début de son nouveau mandat ?

1721738834000 Le 9 Aloïs Mottard
L’élection présidentielle brésilienne d’octobre 2022 avait laissé entendre que le choix du prochain président aurait un impact direct sur la position diplomatique et les engagements commerciaux et économiques du Brésil. On voyait dans Bolsonaro un rejet de la Chine et dans Lula une position anti-impérialiste, suggérant un rapprochement avec Pékin. Cependant, cette vision binaire se révèle inexacte, notamment parce que la marge de manœuvre et le pouvoir de décision du président brésilien sur son alignement géopolitique est limité.

D’un côté, la Chine est le premier partenaire commercial et le deuxième plus grand investisseur au Brésil. Il existe donc une dépendance du Brésil envers le marché chinois, sur des exportations de produits comme le bœuf, le soja, le fer et le pétrole. D’un autre côté, les États-Unis restent le pays qui investit le plus au Brésil. Brasilia n’a donc aucun intérêt à s’éloigner de Washington pour des raisons purement économiques. Ainsi, même si Bolsonaro présentait une hostilité verbale, il avait tenu une position commerciale réaliste, marquée par une augmentation des exportations vers la Chine de plus de 40 % entre 2019 et 2022.

Un principe de non-alignement

Dès le début de son mandat, Lula a été très clair quant à son positionnement géopolitique et sa politique commerciale. Il a annoncé que le Brésil aurait des « relations avec tous » et qu’il respecterait un principe de non-alignement. Ainsi, le président socialiste a rejeté une offre américaine de remplacement de son équipement militaire vieillissant, dans le cas où le Brésil déciderait de le donner à l’Ukraine. Il a également proposé de former un club de paix des BRICS pour aider à la médiation et à la négociation d’une sortie de conflit entre l’Ukraine et la Russie. Lula a aussi fait part de sa volonté de bâtir une indépendance stratégique et de se libérer de l’alignement historique du Brésil sur les États-Unis en déclarant que « personne n’allait empêcher l’intensification des relations entre le Brésil et la Chine », ce qui visait implicitement Washington.

Les avancées des projets commerciaux et des activités chinoises au Brésil

De nombreuses avancées ont été faites par Pékin depuis le début du mandat de Lula. Dès le mois de mars 2023, les deux pays ont arrêté d’utiliser le dollar pour les transactions commerciales et financières. Cet accord leur permet d’échanger directement le yuan contre le real, plutôt que de passer par le dollar, réduisant ainsi les frais de transactions. Dans le but d’implémenter le yuan comme monnaie d’échange, la filiale brésilienne de l’ICBC (Industrial and Commercial Bank of China) a commencé à agir en tant que banque de compensation, tandis que la banque brésilienne BOCOM BBM a annoncé son adhésion au système de paiement transfrontalier en yuan. La visite diplomatique de Lula en Chine en avril 2023 a conclu une quinzaine d’accords bilatéraux notamment en matière de commerce, de technologie et de recherche. Pour permettre de faciliter les échanges commerciaux de produits agricoles, les deux pays ont mis en place une numérisation des procédures douanières.

Dans le secteur des énergies renouvelables, la société d’électricité Electrobas Furnas s’est associée à la SGCC (State Grid Corporation of China) pour la rénovation de la plus grande centrale hydroélectrique du Brésil (Itaipu). De même, le producteur brésilien de minerai de fer et de nickel Vale a signé 7 accords avec différentes organisations chinoises, incluant un échange de connaissances avec l’Université Tsinghua et un accord de coopération avec Baoshan Iron and Steel pour produire du biochar dans le but de décarboner l’industrie sidérurgique. Dans le domaine des technologies et de la construction, un accord a été passé entre les entreprises de télécommunication brésilienne et chinoise Unifique et ZTE, afin de renforcer le réseau 5G dans la partie sud du Brésil alors que l’entreprise d’ingénierie ETERC Engenharia et China CITIC Construction Co. ont signé un accord de coopération portant sur des projets d’infrastructures et des programmes de logements sociaux au Brésil.

De même, le plus grand fabricant de voitures électriques du monde BYD a investi 3 milliards de reals pour produire des voitures électriques dans l’État de Bahia au Brésil. En retour, il bénéficiera d’une réduction de 95 % de la taxe sur la valeur ajoutée jusqu’en 2032 ainsi qu’un accès au port d’Aratu, ce qui facilitera l’importation de matières premières et l’exportation de produits finis. Les deux pays ont également annoncé la création d’un dixième satellite de surveillance de la déforestation en Amazonie, le CBERS-6, qui coûtera 100 millions de dollars et qui devrait être effectif en 2028.

Aloïs Mottard est chargé de veille du Pôle Amérique Latine à l’OFNRS

En partenariat avec L’Observatoire français des Nouvelles Routes de la soie (OFNRS). Retrouvez tous les articles sur observatoirenrs.com.


Photo : le président Lula lors de sa visite en Chine à Shanghai, en avril 2023. © Gao Feng/Xinhua

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