Ambitions célestes : que prépare la Chine dans l’espace pour 2024 ?

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Le 26 février, la Société de sciences et technologies aérospatiales de Chine (CASC), développeur de séries de fusées et principale force motrice de l’industrie spatiale de l’empire du Milieu, a dévoilé son livre bleu annuel, révélant les ambitions spatiales chinoises pour 2024. Cette année, qui coïncide avec le 75e anniversaire de la République populaire de Chine, est particulièrement importante dans la réalisation des objectifs du XXe congrès du parti communiste. Elle marque une étape déterminante dans l’atteinte des objectifs du 14e plan quinquennal et dans l’ambition de faire de la Chine la première puissance spatiale à l’horizon 2030. 

La Chine a établi des objectifs de grande envergure pour l’année prochaine, avec la planification d’environ 100 missions spatiales. Un chiffre qui pourrait marquer un nouveau record historique. Environ 70 missions, pilotées par la CASC, prévoient de mettre en orbite plus de 290 engins et de déployer des projets d’ingénierie spatiale cruciaux. Parmi ces projets, on compte les lancements inauguraux des fusées Longue Marche 6C et Longue Marche 12, les missions de lancement de vaisseaux cargos Tianzhou 7 et 8, les missions de lancement de vaisseaux avec équipage Shenzhou 18 et 19, ainsi que deux missions de retour avec équipage pour Shenzhou 17 et 18. 

La fusée Longue Marche 12 s’élancera depuis le tout premier site de lancement commercial de vaisseaux spatiaux du pays, situé dans la ville de Wenchang, sur l’île provinciale de Hainan, dans le sud de la Chine. La quatrième phase du projet d’exploration lunaire sera avancée avec le lancement du Queqiao 2, le satellite relais destiné à faciliter les communications entre la face cachée de la Lune et la Terre, et du rover Chang’e 6 via la fusée Longue Marche 5, tentant le premier retour d’échantillons depuis le pôle Sud de la face cachée de la Lune dans le bassin Aitken. D’après l’Administration spatiale nationale chinoise, la mission Chang’e 6 accueillera à son bord des équipements scientifiques en provenance de France, d’Italie, de Suède ainsi que de l’Agence spatiale européenne, tandis qu’un module de charge utile conçu au Pakistan prendra place sur son orbiteur. Selon la CASC, le programme chinois de missions habitées sur la Lune a pour ambition d’accomplir une série d’objectifs diversifiés, incluant l’atterrissage, la mobilité, l’échantillonnage, la recherche et le retour, en vue d’envoyer des taïkonautes sur le sol lunaire avant 2030. L’initiative est également conçue pour développer et consolider les capacités autonomes de la Chine dans le domaine des missions lunaires habitées. 

Le plan d’exploration lunaire de la Chine 

En 2024, la CASC s’est engagée à amplifier la production de sa nouvelle génération de vaisseaux spatiaux habités, incluant les innovants Chang’e 7 et Tianwen 2. Parallèlement, la CASC planifie le déploiement d’un satellite de détection de la salinité des océans, un satellite de surveillance électromagnétique et une sonde astronomique développée conjointement par la Chine et la France. De plus, la CASC s’apprête à produire plus de 200 lots de fusées de lancement et à finaliser plusieurs contrats importants pour des satellites commerciaux et des exportations de satellites complets. Tournant son regard vers l’avenir, la CASC vise à accomplir des avancées technologiques majeures, telles que le retour d’échantillons de Mars, l’exploration du système Jupiter, et la mise en place de stratégies pour la défense planétaire contre les astéroïdes. 

Enfin, la CASC prévoit d’élargir l’application des systèmes de navigation Beidou. La CASC a ainsi annoncé la poursuite de ses efforts pour mettre au point un système satellite, dédié à la télédétection commerciale, appelé « système de nouvelle génération en quatre dimensions ». Сe réseau débutera avec le déploiement des satellites SuperView (en chinois Gaojing), et s’étoffera pour inclure un total d’au moins 28 satellites. Ces satellites seront équipés de diverses technologies avancées, comprenant des capteurs optiques de haute résolution, des capteurs optiques à large couverture, des capteurs radar également de haute résolution, et une gamme étendue d’autres types de satellites spécialisés dans la télédétection commerciale. La CASC s’engage à intégrer de manière continue les technologies satellitaires dans de nouveaux secteurs, contribuant ainsi au développement économique des régions stratégiquement importantes. 

La planète Mars aussi dans le viseur 

Fin février, l’Agence chinoise des vols spatiaux habités (CMSA) a annoncé les noms de ses nouvelles avancées dans le domaine spatial : l’atterrisseur lunaire chinois Lanyue (Embracing the Moon) et le nouveau véhicule de transport spatial Mengzhou (vaisseau de rêve). Le vaisseau Mengzhou existe en deux versions : une destinée à transporter trois astronautes vers la Lune et une autre conçue pour remplacer le vaisseau actuel, Shenzhou, avec une capacité de transporter jusqu’à sept astronautes entre la Terre et la station spatiale Tiangong, en orbite depuis près de trois ans. Le nom « Lanyue » a été choisi en hommage à un poème du premier président de la Chine populaire, Mao Zedong. Les fusées Longue Marche 10 joueront un rôle central dans ces missions, en propulsant Mengzhou et Lanyue vers l’espace. Le 2 juin, la Chine a réussi pour la deuxième fois à se poser sur la face cachée de la Lune avec la sonde Chang’e 6, qui avait décollé le 3 mai à bord d’une fusée Longue Marche 5 depuis le centre spatial de Wenchang. L’atterrisseur s’est posé dans la région du bassin pôle Sud Aitken, l’un des plus grands cratères d’impact du système solaire, situé sur la face cachée de la Lune. Les objectifs de cette mission incluent le retour sur Terre d’échantillons de sol lunaire d’environ 4 milliards d’années, conformément aux plans décrits dans le livre bleu en février. Pour collecter ces échantillons, l’appareil est équipé d’un foret et d’une main robotisée. 

À bord de Chang’e 6 se trouve également DORN, le premier instrument français actif sur la Lune, chargé d’étudier le radon, un gaz radioactif produit en continu dans le sol lunaire. Le 4 juin, le module d’ascension de la Chang’e 6 a décollé de la surface lunaire, emportant des échantillons de la face cachée. Ces échantillons ont été rapportés sur Terre le 25 juin avec succès. La capsule contenant ces échantillons, larguée par la sonde à l’aide d’un parachute, a atterri dans le nord de la Chine, comme le rapporte le média chinois CGTN. La Chine est ainsi devenue le premier pays à avoir collecté et rapporté sur Terre des échantillons de la face cachée de la Lune. Il convient par ailleurs de rappeler que la mission Chang’e 5 avait déjà rapporté des échantillons de la face visible de la Lune en décembre 2020, les premiers depuis 1976. Avant la Chine, seuls les États- Unis et l’URSS avaient réussi à rapporté du sol lunaire sur Terre. Cette nouvelle réussite marque une avancée significative pour le programme spatial chinois, qui ambitionne d’envoyer une mission habitée sur la Lune d’ici 2030. 

Néanmoins, la Chine ne se concentre pas uniquement sur l’exploration lunaire. En effet, des scientifiques chinois ont mis au point un prototype de moteur nucléaire pour vaisseau spatial, destiné à des voyages vers Mars. En effet, ce nouveau moteur place le vaisseau comme un concurrent direct de la fusée Starship de SpaceX, d’après le journal South China Morning Post (SCMP), s’appuyant sur un article publié dans le journal Scientia Sinica Technologica de l’Académie chinoise des sciences. Selon les chercheurs, la puissance du réacteur nucléaire atteint 1,5 MW, soit sept fois celle du système développé par la NASA. Ils estiment que ce vaisseau spatial équipé d’un moteur nucléaire pourrait réaliser le trajet de la Terre à Mars en seulement trois mois, alors que la fusée Starship de SpaceX pourrait nécessiter au moins sept mois pour atteindre la planète rouge. 

Oksana Zaitseva est analyste diplomatie spatiale chinoise auprès de l’OFNRS 

En partenariat avec L’Observatoire français des Nouvelles Routes de la soie (OFNRS). Retrouvez tous les articles sur observatoirenrs.com

Photo : Yang Lei/Xinhua 

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