L’OCS, l’autre bloc qui bouscule l’ordre mondial

1755507611742 China News Shan Lu, Zhao Jingshu

Peu connue du grand public, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) rassemble Chine, Russie et pays d’Asie centrale autour d’un principe-clé : « l’esprit de Shanghai ». À l’heure où l’Occident doute et où l’ordre mondial vacille, cette alliance entend tracer une autre voie, faite de respect mutuel et de coopération tous azimuts. Décryptage d’un modèle qui pourrait bien compter demain lors d’un entretien exclusif avec l’expert kazakh des questions internationales, Aidar Amrebayev.

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) a été fondée le 15 juin 2001. Elle incarne l’« esprit de Shanghai », qui repose sur la confiance mutuelle, l’avantage réciproque, l’égalité, la concertation, le respect des civilisations diverses et la recherche d’un développement commun, et a été définie dans sa déclaration fondatrice. Depuis 24 ans, l’OCS ne cesse de promouvoir cet esprit et a tracé une voie nouvelle pour la coopération régionale.

Comment comprendre la valeur contemporaine de cet « esprit de Shanghai » ? Pourquoi le considère-t-on comme le « code du développement » de l’OCS ? Aidar Amrebayev, directeur du centre d’études politiques de l’institut de philosophie, de sciences politiques et d’études religieuses du comité scientifique du ministère kazakh des Sciences et de l’Enseignement supérieur, tente d’y répondre. Entretien. 

Quels mots-clés utiliseriez-vous pour définir l’Organisation de coopération de Shanghai ?

À mon sens, « pluralité » et « multilatéralisme » reflètent bien les caractéristiques de l’Organisation de coopération de Shanghai.

La pluralité se manifeste par le respect mutuel et l’égalité entre pays aux civilisations, systèmes sociaux et trajectoires de développement différents. Cela favorise la confiance et approfondit la coopération entre les États membres, tout en les incitant à participer activement à la gouvernance mondiale.

Le multilatéralisme transparaît dans son mécanisme décisionnel unique, fondé sur le principe du consensus entre tous les États membres : toute décision majeure doit obtenir leur accord unanime pour être adoptée. Ce processus peut certes poser des défis, mais il garantit l’équité des décisions, ce qui est plus important que de trancher au détriment de l’un des participants. Par ailleurs, la coopération au sein de l’OCS est multiforme : les pays peuvent s’y engager comme membres à part entière, observateurs ou partenaires de dialogue.

Le sommet d’Astana de juillet 2024 a inauguré pour la première fois le format « OCS+ », permettant à davantage de pays intéressés par les questions de développement mondial de prendre part aux discussions. Dans un contexte international marqué par une instabilité croissante et la montée des confrontations, l’OCS fait preuve de flexibilité et d’inclusivité, offrant ainsi une plateforme stable et fiable pour le dialogue international.

Pourquoi « l’esprit de Shanghai » a-t-il été inscrit dans la déclaration fondatrice de l’Organisation de coopération de Shanghai ? Comment en comprendre la signification profonde ?

Le développement efficace de tout organisme international suppose un cadre conceptuel clair. À cet égard, dès sa création, l’Organisation de coopération de Shanghai a défini « l’esprit de Shanghai » comme principe directeur et idée centrale. Cet esprit — fait de concertation, de respect des civilisations diverses et de quête d’un développement commun — promeut la coexistence harmonieuse et rejoint les traditions culturelles de nombreux pays d’Asie et du monde.

« L’esprit de Shanghai » insiste sur la coopération d’égal à égal, la solidarité et la confiance. Il prône un renforcement des collaborations entre États membres fondé sur le respect mutuel et la prise en compte des intérêts de chacun, afin de relever ensemble les défis mondiaux. Cette philosophie rejoint l’initiative chinoise de « construire une communauté de destin pour l’humanité », ouvrant ainsi de larges perspectives de coopération et un champ d’application concret.

Dans un contexte international marqué par un déficit croissant de confiance et des obstacles toujours plus grands au développement commun, « l’esprit de Shanghai », en valorisant la solidarité, la coopération et le bénéfice mutuel, offre aux nations l’opportunité de forger des consensus et d’unir leurs efforts pour bâtir un avenir plus sûr et prospère.

Depuis sa création, comment l’Organisation de coopération de Shanghai est-elle passée d’une coopération initialement centrée sur la sécurité à un organisme régional international aux collaborations multiples et complètes ? Quel rôle « l’esprit de Shanghai » a-t-il joué dans cette évolution ?

Il est vrai qu’à l’origine, l’Organisation de coopération de Shanghai a été fondée pour préserver ensemble la paix et la stabilité dans la région, et pour répondre aux défis concrets pesant sur la sécurité et le développement régional. Son prédécesseur, le mécanisme dit des « Cinq de Shanghai », a permis de promouvoir efficacement le règlement, par le dialogue et la concertation, des questions frontalières impliquant notamment le Kazakhstan.

Après la création de l’OCS, les pays d’Asie centrale et la Chine ont renforcé leur coopération sécuritaire via cette plateforme commune, en luttant ensemble contre les « trois fléaux » que sont le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme, ainsi qu’en freinant le trafic de drogue et d’autres formes graves de criminalité transnationale, contribuant ainsi de manière significative à la sécurité et à la stabilité de la région.

Avec l’accumulation des expériences de coopération, le succès des pratiques engagées et l’enrichissement constant des mécanismes efficaces, l’OCS a progressivement consolidé la confiance stratégique entre ses membres et étendu ces acquis à de nombreux domaines interconnectés. Cela a favorisé, sur le plan des idées, une large diffusion de « l’esprit de Shanghai », et sur le plan pratique, un approfondissement continu d’une coopération globale, grâce à des dispositifs à plusieurs niveaux tels que le statut d’observateur ou de partenaire de dialogue, conduisant finalement à l’adhésion de nouveaux membres à part entière.

C’est précisément en s’appuyant sur les principes de consensus et de respect des préoccupations de chaque membre, au cœur de « l’esprit de Shanghai », que l’OCS a pu élargir sans cesse ses domaines de coopération, accroître la taille de son organisation et renforcer la crédibilité de ses décisions. Cela lui permet ainsi de contribuer activement à l’élaboration de nouveaux modèles de coopération régionale et à la construction d’un système de gouvernance mondiale.

Par ailleurs, le fait que l’OCS accueille des pays issus de civilisations différentes enrichit la diversité et la profondeur des interactions au sein de l’organisation, ce qui vient encore nourrir la portée conceptuelle de « l’esprit de Shanghai ».

Dans le contexte actuel d’instabilité internationale, que signifie promouvoir la coopération et l’« esprit de Shanghai » ?

Le monde connaît aujourd’hui de profondes transformations qui affectent non seulement la stabilité du système international, mais posent également de nouveaux défis aux mécanismes multilatéraux de coopération, dont l’Organisation de coopération de Shanghai. Beaucoup de pays cherchent désormais à établir des relations internationales plus inclusives, équitables et durables, afin d’éviter que le monde ne sombre dans une spirale d’affrontements géopolitiques et de conflits.

« L’esprit de Shanghai » bâtit un cadre large de coopération, offrant ainsi des solutions constructives pour surmonter les difficultés mondiales. Aujourd’hui, l’évolution de l’ordre international doit reposer sur les principes d’ouverture, d’inclusivité et de coopération mutuellement bénéfique, dans le respect des droits légitimes, des modèles de développement et de la diversité culturelle des États. En tant qu’organisation multilatérale qui se distingue du « modèle occidental », l’OCS peut jouer un rôle majeur dans le dialogue mondial, en favorisant les échanges et l’enrichissement mutuel entre civilisations et modes de développement différents, et ainsi contribuer positivement à la stabilité et au progrès du système international.

Quels sont, selon vous, les défis auxquels l'organisation est aujourd’hui confrontée ? Comment les surmonter ? Quelles sont les attentes du Kazakhstan vis-à-vis de cette coopération ?

L’un des principaux défis auxquels l’Organisation de coopération de Shanghai doit faire face est la transformation profonde de l’ordre international établi depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’incertitude mondiale s’accroît, tandis que l’hégémonisme et la loi du plus fort refont surface à l’international, influençant de manière décisive l’évolution de l’ordre international. Or, cette tendance va à l’encontre de « l’esprit de Shanghai ». Il est donc nécessaire que les États membres de l’OCS examinent en profondeur ces évolutions négatives et, dans un contexte de mutation accélérée du système de gouvernance mondiale, définissent clairement leur positionnement et leurs orientations pour l’avenir.

Pour les pays d’Asie centrale, la préservation de la sécurité et de la stabilité régionales est primordiale. Éviter que les rivalités entre grandes puissances et les conflits intenses ne s’étendent à la région, voire à l’ensemble de l’espace couvert par l’OCS, touche directement à leur survie et à leur développement. L’OCS doit, sur la base d’une coordination étroite entre ses membres, concevoir et défendre une vision commune de l’ordre international futur.

Pour le Kazakhstan, l’Organisation de coopération de Shanghai n’est pas seulement une organisation internationale importante, c’est aussi un axe majeur de sa diplomatie. Nous attendons aujourd’hui que l’OCS devienne un acteur clé du développement durable dans notre région, capable de prévenir efficacement les risques liés aux foyers de tensions et aux confrontations géopolitiques. Par ailleurs, avec l’arrivée de nouveaux membres, nous espérons que l’OCS saura élaborer et mettre en œuvre des projets de développement socio-économique qui servent les intérêts communs et profitent à l’ensemble de ses membres. Dans ce processus, il est essentiel d’assurer la qualité des coopérations et de privilégier des résultats concrets. Cela contribuera non seulement à poursuivre l’expansion de l’OCS, mais aussi à renforcer ses succès dans le domaine de la coopération pragmatique.  

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : Secrétariat de l’OCS © N509FZ, CC BY-SA 4.0/Wikipedia




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