Quelles sont les différences entre les concepts chinois et occidentaux du Bien ?

1659690670489 China News Wang Zhenyao

En Occident, il existe des institutions qui évaluent l’avancement de la philanthropie dans divers pays du monde en fonction de l’aide que ces derniers apportent à des étrangers sur une période donnée. En Chine, « la piété filiale est la première des vertus » et les dons qu’elle alloue aux grandes catastrophes sont de classe mondiale. L’Occident et l’Orient cultivent une idée du Bien qui diffère en de nombreux points.

Tout d’abord, il existe effectivement des différences entre les conceptions chinoise et occidentale du Bien. L’idée chinoise du Bien est celle développée dans « Le Grand apprentissage » : il s’agit d’étudier la nature des choses, d’acquérir des connaissances, de faire preuve de sincérité et de droiture, de cultiver sa propre perfection, d’ordonner sa famille, de gouverner son pays et d’œuvrer pour la paix dans le monde. Cette idée du Bien privilégie les sentiments à l’égard de la nation et de la famille et la culture du soi, qui sont l’éthique de l’homme de bien. Elle valorise également la communauté, qui est la mission de tout individu qui tend à s’intégrer au monde. L’idée occidentale du Bien trouve son origine dans la Grèce antique et met l’accent sur la nature conceptuelle du Bien. Dans La République, Platon divise le Bien en trois catégories : la joie, la santé et la raison et enfin l’entraînement physique, la médecine et les aptitudes à gagner de l’argent.

Deuxièmement, en termes d’éthique commune fondamentale et plus précisément de notion de propriété, l’idée que le pouvoir est un bien commun est l’une des valeurs maîtresses en Chine. A contrario, l’Occident insiste sur le caractère sacré et inviolable de la propriété privée, c’est-à-dire que le pouvoir est privé. Ces deux antagonismes fondamentaux conditionnent des différences dans les modèles de comportement et les systèmes politiques, économiques et culturels, établies par la structure de propriété de l’économie.

Troisièmement, la société chinoise, qui est fondée sur le bien commun, considère que le pouvoir commun est un Bien nécessaire. À l’inverse, l’Occident juge que le pouvoir est un mal nécessaire. La légende du Grand Yu qui dompte les eaux reflète l’orientation fondamentale du peuple chinois envers le pouvoir commun, exigeant que le gouvernement joue un rôle actif en cas de catastrophe. Dans les récits occidentaux représentatifs, cependant, lorsque frappe une grande inondation, on ne parle jamais du gouvernement et préfère invoquer les croyances populaires et l’arche envoyée par Dieu. Cette dichotomie entre le bien et le mal a façonné l’idée du bien commun, tant en Occident qu’en Orient, et plus particulièrement les modes de gouvernance.

Quatrièmement, d’un point de vue philosophique, la civilisation chinoise, dont le Livre des mutations est un classique important, insiste sur l’unité entre le Ciel et l’Homme comme fondement de l’univers, d’où sont issus le yin et le yang. Elle considère que le yin et le yang sont entrelacés, que le bien suprême est tel l’eau et que cette dernière profite à toutes les choses sans leur faire concurrence. En revanche, l’Occident s’appuie sur une vision dualiste du bien et du mal.

Cinquièmement, en termes d’épistémologie, la civilisation chinoise, basée sur une compréhension holistique de la nature, rappelle que « nous devons être en accord avec le ciel et la terre pour mieux comprendre les Voies de la terre et du ciel. Nous devons lever les yeux pour observer l’astronomie, baisser les yeux pour observer la géographie, pour mieux connaître les raisons de l’obscurité et de la lumière ». L’évolution des choses est cyclique, périodique et holistique et les phénomènes peuvent être appréhendés par eux-mêmes. Parallèlement, la civilisation chinoise estime que toutes les choses ont une Voie (un dao) et un nom, que le commencement du ciel et de la terre est le néant et que la mère de toutes les choses est l’existence. Le dao engendre le un, le un engendre le deux, le deux engendre le trois, le trois engendre les dix mille êtres. Le dao est naturel. La pensée chinoise met également l’accent sur l’illumination et la pratique scrupuleuse. Elle encourage la connaissance du Bien et démontre la vivacité de la vie humaine.

En Occident, l’accent est mis sur le raisonnement logique, avec la prépondérance de l’« être », en particulier dans l’étude des sciences naturelles. Aristote, maître de la philosophie grecque antique, a élaboré un vaste système de connaissances et jeté les bases du système de savoirs européen. Il divise le Bien en trois catégories, à savoir le Bien du corps, le Bien de l’âme et le Bien extérieur. Il soutient que chaque habileté et recherche, chaque pratique et choix tend à une certaine catégorie du Bien, tout en insistant sur le lien intrinsèque entre le bien et la connaissance. Au cours du siècle des Lumières, l’Europe a adopté le concept de progrès, ce qui a conduit au renouvellement théorique du système de connaissances et à la combinaison de la science, de la technique et du commerce.

Sixièmement, la société chinoise donne la priorité au bien-être du peuple, tandis qu’en Occident, le capital prime. D’après le Classique des documents, « les peuples sont faits pour être proches et ne peuvent se mépriser ». Les textes anciens définissant les fonctions des gouvernements formulent les concepts de politique agricole et de politique de la disette et insistent sur la responsabilité de veiller au bien-être du peuple. Les concepts sociaux occidentaux se préoccupent davantage des intérêts du capital et la règle primordiale consiste à ne pas taxer arbitrairement les personnes qui possèdent des biens. La Chine a souvent mis en œuvre la redistribution des terres en temps de changement de dynastie, ce qui est inconcevable dans les sociétés occidentales.

Septièmement, aider ses voisins, rester unis dans l’adversité et porter secours inconditionnellement quand un sinistre se produit sont des traditions immuables en Chine, alors que c’est complètement impossible dans les sociétés occidentales. Cela s’explique par le fait que l’Occident est avant tout individualiste et qu’il place l’individu au centre du mécanisme caritatif, si bien que les liens entre la propriété et les intérêts sont assez clairement définis.

Huitièmement, la culture chinoise fait grand cas de l’harmonie malgré les différences. Le pays est comme une famille, porté par le sentiment d’une communauté de destin pour l’humanité. Voilà qui diffère beaucoup de la discrimination raciale qui ronge l’Occident. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse », « Il n’y a rien de plus plaisant que la visite d’amis lointains »... Ce type de comportements bienveillants permet aux différentes nationalités et ethnies de ne faire qu’un et contraste avec l’intolérance qui règne en Occident à l’encontre de ceux qui ne pratiquent pas la même religion ou qui n’ont pas la même origine.

Neuvièmement, il existe également des différences dans les systèmes d’héritage patrimonial entre l’Orient et l’Occident. En Chine, il est d’usage que les fils se partagent également l’héritage, sans distinction d’ordre de naissance. En Occident, et même au Japon, il est courant que le fils aîné hérite. Dans le système de primogéniture, dès lors qu’ils forment des propriétaires différents, des frères deviennent comme des étrangers. Même les époux doivent définir clairement leur relation à la propriété. Dans une telle atmosphère culturelle, la philanthropie ne peut soutenir que les étrangers.

Enfin, dixièmement, le Bien et l’amour sont inséparables et pour l’amour aussi, il existe des différences subtiles entre l’Orient et l’Occident. La civilisation chinoise insiste sur l’amour sans distinction, c’est-à-dire qu’il est universel et transcende la classe et l’origine. La « droiture » est l’une des pierres angulaires de l’éthique chinoise. Dans l’expression de l’amour, la fraternité occidentale regarde l’origine et le rang.

Il n’est pas difficile de constater qu’il existe effectivement des différences considérables entre l’Orient et l’Occident en ce qui concerne l’idée du Bien. À l’heure actuelle, en raison de la mondialisation, les systèmes culturels de l’Est et de l’Ouest, du Nord et du Sud interagissent étroitement et les idées du Bien s’influencent et s’imbriquent de plus en plus. L’espoir d’une interaction civilisationnelle repose dès lors sur le respect réciproque, la recherche d’un terrain d’entente tout en préservant les différences, l’apprentissage mutuel, la promotion de ce qui est Bien et la création d’une communauté de destins humains diversifiée.

Wang Zhenyao est professeur et directeur de l’Institut de recherche chinois sur l’intérêt public à l’Université normale de Pékin.


Cet article a été publié initialement en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photos : Xinhua

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