[Internet du Milieu] Les chinoises revendiquent l'accès aux produits d'hygiène féminine à bord des TGV
« Mes règles se sont déclenchées plus tôt que prévu lors de mon voyage en TGV. L’équipage m'a informée qu'il n’y avait pas de serviettes hygiéniques en vente, mais a tout de même réussi à m'en fournir une. » Le 15 septembre, une internaute chinoise confie sur Weibo ses mésaventures du jour. Selon son témoignage, ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait. « Ce n’est pas pratique pour les femmes, notamment celles qui souffrent d'un cycle menstruel irrégulier. J'ai donc contacté le service client concernant l'accès aux produits d'hygiène féminine à bord des TGV, mais ils n'ont rien promis », a poursuit la jeune femme.
Le message a été posté sur les réseaux sociaux. Si certaines internautes ont approuvé l’idée en partageant des expériences similaires, d’autres l’ont jugée capricieuse, lui suggérant d’être un peu plus « prévoyante dans la vie ». Face à la vague de réactions, la Société chinoise des chemins de fers s’est sentie obligée d’intervenir en précisant que « les serviettes hygiéniques sont des produits personnels et n’ont pas vocation à être vendues dans les transports publics ».
« La société n’a pas à payer pour les besoins féminins »
Cette critique sur le caractère privé du cycle biologique féminin n’a fait que mettre de l’huile sur le feu, créant une polémique en chaîne, allant jusqu’à forcer des compagnies aériennes de clarifier leurs politiques en la matière : officiellement, les serviettes hygiéniques ne font pas partie des produits commercialisés à bord des appareils, mais les passagères peuvent se renseigner auprès des membres de l’équipage en cas de besoin. La polémique aurait pu s’arrêter là, si un autre type de critique, virulent et sexiste, n’avait pas été déversé à son tour : « Vous pourriez contrôler vos règles quand même ! », s’est exclamé un internaute ; « Il s’agit d’une responsabilité individuelle. La société n’a pas à payer pour les besoins féminins », a argumenté un autre. Des serviettes hygiéniques à bord des TGV devenant ainsi une revendication « hégémoniste » pour certains.
Un sujet tabou
Derrière ce débat houleux, un sujet encore tabou dans l’empire du Milieu, sinon d’une grande pudeur : beaucoup jugent encore indécent de vendre à bord des trains des serviettes hygiéniques aux côtés de chips et de cannettes de bière. Ce n’est pas la première fois que le cycle menstruel se trouve au milieu de discussions houleuses : lutte contre la précarité menstruelle, débats sur la fourniture de serviettes hygiéniques aux infirmières en pleine crise épidémique… Avec souvent cette même incompréhension de la part d’une grande partie des Chinois. Pour Takan, blog visant un public féminin, « le fait que les femmes, c’est à dire la moitié de la population, soient considérées comme un ‘groupe spécial’, et leurs revendications des ‘privilèges’, découle d'une conception patriarcale bien ancrée ». On en conviendra, la problématique ne préoccupe pas que les Chinoises. Dans Invisible Women - Exposing Data Bias in a World Designed for Men (2019), l'écrivaine britannique Caroline Criado Perez exposait, statistiques à l'appui, tous les inconvénients que pouvait rencontrer une femme vivant dans un monde conçu par et pour les hommes.
À l’heure où
nous écrivons ces lignes, la polémique s’est quelque peu apaisée mais la China Railway ne propose toujours pas de
serviettes hygiéniques en vente dans ses trains.
Photo : DR.
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