Effervescence autour de Leshi, l’entreprise qui pratique la semaine de quatre jours et demi

1673440147046 Chine-info Hu Wenyan

Surendettée mais autogérée, la plateforme de vidéos Leshi multiplie les avantages salariaux, jusqu’à initier la semaine de quatre jours et demi. Un pied de nez au capitalisme actionnarial ?

Mercredi 4 janvier, Damei Plaza dans le district de Chaoyang à Pékin. À 15h, les salariés de Leshi rangent leurs affaires et quittent peu à peu le bureau, sous les projecteurs des médias. Un véritable baptême de feu pour la semaine de quatre jours et demi : chaque mercredi, le personnel ne travaille qu’une demie journée. Une première dans le secteur numérique chinois, où le rythme de travail effréné avait défrayé la chronique.  

Sur fond de crise sanitaire

En juillet 2022, l’entreprise avait déjà fixé l’objectif de réduire le temps de travail (pour un même salaire). Cette aspiration est devenue une réalité plus tôt que prévu, dû notamment à la généralisation du télétravail sur fond de crise sanitaire. Selon la direction, cette décision a été motivée par quatre perspectives : que les salariés gèrent mieux les impératifs, notamment les rendez-vous médicaux ; que la phobie du lundi disparaisse ; que les salariés aient plus d’espace mental pour se former ou apprendre de nouvelles choses et qu’ils trouvent un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle.

L’initiative a provoqué beaucoup d’émoi auprès du public chinois. Sur le réseau social Weibo, la nouvelle a généré 130 millions de vues et 140 000 discussions. « C'est bluffant, surtout par rapport à des entreprises qui demandent à ses employés de travailler le week-end et de faire les "996" (travail de 9h du matin à 9h du soir, 6 jours par semaine), pour être plus “heureux” », peste un internaute, qui fait allusion au propos malvenu de Jack Ma, fondateur d'Alibaba. Selon ce dernier, « travailler selon la règle des 996 est un immense bonheur. »

Employeur idéal et entreprise endettée

Selon son rapport financier du troisième trimestre 2022, Leshi a enregistré, de janvier à septembre, un bénéfice net de 11,7 millions de yuan, mais s’endette au total de 22,3 milliards de yuans. Derrière ces chiffres paradoxaux et pharaoniques, la folle histoire d’une start-up chinoise dans les années 2000.

Fondée en 2004 par Jia Yueting, la plateforme de vidéo Leshi s’est développée en surfant sur la vague de la 3G, avant de s’introduire en bourse de Shenzhen en 2010. Une première dans le secteur du streaming, voire sur le plan mondial. La société, qui a failli devenir le « Netflix chinois », a investi tous azimuts et poursuivi son expansion à l’international. Mais l'effervescence commerciale s'arrête soudainement en 2016. La rupture des chaînes de capital du département smartphones de Leshi a provoqué, par effet domino, l’effondrement de tout l’empire. Endetté personnellement à hauteur de 17,7 milliards de yuans, l’ancien capitaine du navire en perdition s’enfuit aux États-Unis et l’entreprise est obligée de se retirer des bourses en 2020.

Jia Yueting, fondateur de Leshi. DR.

Suite à plusieurs opérations financières, Leshi que l’on connaît aujourd'hui se divise en deux parties : le site internet Leshi, spécialisé en contenus vidéo, et Leshi zhixin, fabricant d’équipements et de logiciels. La gestion du site internet Leshi revient de fait aux quatre hauts cadres historiques de la société mais  l’entreprise n’a plus de capitaine. 

À contre courant de la vague de licenciements

Outre le fait que l’entreprise fait une grande place à l’autogestion, selon Ding Daoshi, du cabinet de conseils Sutu, si Leshi est capable de mettre en place ce nouveau régime de travail, « c’est qu’elle est dispensée d’un coût énorme de main-d’œuvre, au regard de son nombre restreint de personnel à 400 personnes, et qu’elle détient des droits d’exploitation de nombreuses séries et films phénomènes. » À titre d’exemple, The Legend of Zhenhuan, l’une des séries les plus populaires en Chine, lui rapporte chaque année des millions de yuans.

« Leshi serait trop endettée pour que ses actionnaires fassent pression sur le remboursement des dettes ou la distribution de dividendes », tente d’analyser un internaute. L’entreprise surendettée qui multiplie les avantages salariaux contraste effectivement avec les géants de la tech chinois, dont Alibaba, Tencent et Xiaomi, qui, tout en versant des milliards de yuans de dividendes, ont supprimé massivement des emplois en fin d'année 2022 (LatePost).

« Peu influents, nous avons nulle ambition d'initier une révolution pour que les autres entreprises d'internet modifient leur régime de travail. Nous avons à être nous-même et à améliorer le bien-être et la reconnaissance de nos employés », confie la direction de Leshi.

Photo du haut : DR.

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