Hommage à l'économiste Li Yining, pionnier de la Réforme et l’Ouverture de la Chine

1680858742981 China News Wang Yu

Le 27 février 2023, Li Yining, célèbre économiste chinois, est mort à 92 ans à Pékin, des suites d'une longue maladie. Intellectuel engagé, il a notamment contribué à lancer la réforme du système d'actionnariat, bouleversant le paysage économique chinois.

Spécialiste de l’histoire de l’économie occidentale, directeur de la faculté de gestion Guanghua de l’Université de Pékin, pionnier de la Réforme et l’Ouverture de la Chine… La liste de ses titres est longue. Preuve de l’influence incontestable de Li Yining qui va au-delà des sphères académique et économique. Mieux, il fait partie intégrante de l'histoire de la Chine ouverte et réformatrice. Déjà dans les années 1980, l'universitaire a fait connaître l’économie occidentale dans l’empire du Milieu, inspirant une génération d’économistes chinois. S’il a défendu bec et ongle la réforme économique, cet intellectuel engagé n’a pas hésité à faire part de ses réflexions et critiques, faisant preuve de clairvoyance ainsi que de courage pour dépasser les carcans de l’époque. Retour sur la vie d’un réformateur convaincu.

Initiateur de la réforme du système de l’actionnariat

Né en 1930 à Nankin dans une famille d’hommes d’affaires, il a grandi à Shanghai puis à Yuanling, dans le Hunan. C’était en 1951 qu’il a réussi à intégrer le département de l’économie de l’Université de Pékin, entamant ensuite ses soixante-dix ans de vie et de carrière dans cette prestigieuse université chinoise. Successivement documentaliste, assistant, maître de conférence, professeur associé, professeur, directeur de thèse… Il était directeur honorifique de la faculté de gestion Guanghua de l’Université de Pékin jusqu’à sa mort.  

En 1978, Li Yining publie une série d'articles d'analyses sur la réforme et l’ouverture économique de la Chine. Deux ans plus tard, il prône une réforme sur le système d’actionnariat. Pour lui, il était essentiel pour la Chine de conduire la réforme du régime économique afin de bâtir l’économie de marché. Depuis 1981, avec un de ses élèves Cao Fengqi, il se consacre aux études sur le système d'actionnariat. À ses yeux, l’investissement de l’État devrait faire place aux levées de fonds sur le marché. Car ce qui manquait aux entreprises chinoises, ce n’était pas des capitaux mais une gestion moderne d’entreprises. Donc une réforme du système d'actionnariat s’imposait pour lancer un nouvel élan de croissance, ainsi que pour faire face aux pressions exercées par les concurrents étrangers.

Spécialiste de l’histoire de l’économie occidentale

Avant de s'engager dans la réforme économique, Li Yining était tout d'abord un spécialiste de l'histoire de l'économie occidentale. À l’Université de Pékin, l’étudiant brillant et assidu se fait remarquer par Zhao Naituan, spécialiste de l’économie institutionnelle, et Zhou Binglin, professeur d’histoire de l’économie de l’Europe de l’Ouest. Durant ses quatre années d’études, il fréquente ces deux grands économistes, en construisant peu à peu une base solide en histoire économique mondiale. En 1955, diplôme en poche, Li Yining décide de rester à l’université pour devenir documentaliste au sein du département de l’économie où il s’occupe de traduire et d’éditer les dossiers sur l’histoire de l’économie. Autodidacte en langue russe, il a également traduit, sur les conseils de ses deux mentors, les textes sur l’histoire de l’économie de l’Europe de l’Ouest rédigés par les chercheurs soviétiques.

Mais les années de recherches furent courtes. Début 1958, sur fond de Mouvement anti-droitiste, Li Yining fait partie des premiers employés de l’université à être envoyé dans la campagne. Il effectue ainsi du travail physique dans le village Xizhaitang près de Pékin avant de revenir à l’université en 1959 où il mène une vie modeste, sans jamais abandonner ses recherches et son travail de traduction. En 1965, il termine enfin son important projet de traduction du livre L’histoire économique et sociale de l’Empire romain. Mais avant que le livre ne soit publié, éclate la Révolution culturelle. Envoyé dans les fermes au Jiangxi et ensuite dans la banlieue de Pékin, Li Yining effectue du travail sous surveillance. Peu évoqués par Li Yining, ces aléas de l’histoire et de la vie expliquent en partie son évolution au niveau de la pensée économique et des méthodes de recherches. 

Porte-drapeau de l’économie de marché en Chine

« Le sable coule avant de former malgré lui une oasis ». Ce vers émanant d’un des poèmes écrits par Li Yining à 25 ans résume bien son parcours de vie : labourer la terre sans se soucier de la récolte. « Étudiant à l'époque, je ne me suis jamais posé la question sur ce que je deviendrai dans dix ans, vingt ans ou encore cinquante ans », comme disait-il souvent. D’ailleurs il ne s'inquiétait jamais des critiques portées sur lui, car il était convaincu que l'essentiel était d'avancer et d’accumuler des savoirs et connaissances année après année.  

Outre les recherches sur la réforme du système d'actionnariat, Li Yining a également mis en avant la « théorie asymétrique » du développement économique de la Chine pour qu'elle réussisse une « double transformation » - de l'économie planifiée vers l'économie de marché, d'une société agricole à une société industrielle. Il a multiplié les initiatives pour promouvoir la réforme du régime économique chinois : modifier le paradigme de dualité entre ville et campagne, approfondir les réformes agricoles, promouvoir l'urbanisme, prôner la réforme du système d’actionnariat, encourager l’IPO des entreprises, ou encore ébaucher les contours de la Loi d’entreprises de la République populaire de Chine

Chantre de l’économie de marché, il s’est pourtant attiré les foudres du milieu intellectuel chinois. S’il jouissait d’une certaine autorité sans que personne l’attaque frontalement, c’étaient ses deux élèves peu expérimentés qui en ont fait les frais : Cao Fengqi a été jugé inéligible pour le poste de professeur à causes des reproches faites sur ses recherches sur la réforme du système d’actionnariat ; Meng Xiaosu a été violemment ébranlé par l'intelligentsia chinoise à cause d’un de ses articles : Sur les questions stratégiques de la réforme économique de la Chine. Il a ainsi fait preuve de courage en prônant la réforme économique avant que les autorités chinoises ne clarifient leur position sur celle-ci. En 1992, le pouvoir central a enfin annoncé fixer pour objectif de bâtir une économie de marché socialiste avant de l’inscrire dans la Constitution. « La réforme, cela va de soi », écrit-il dans son livre phare Le choix stratégique vers la prospérité. Car « la réforme nous apporte de la confiance et de l’espoir. » Et l’histoire lui a donné raison. 

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn. 

Photo du haut : site Internet de l’Université de Pékin

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