
« Enfants à plein temps » : entre chômage et lassitude, les jeunes retournent au nid familial
Le poste : enfant à plein temps
Le lieu : au domicile des employeurs
Responsabilités :
Faire le ménage
Faire des courses et préparer les repas
Regarder la télé avec les employeurs
Développer des relations familiales saines en restant ouvert d’esprit, résister aux pressions et être doté d’un sens aiguisé de la communication
Avantages :
Horaire flexible / Management humain
Prise en charge du loyer et des frais de repas
Derrière cette offre d’emploi parodique, diffusée sur les réseaux sociaux chinois, se cache un phénomène doux-amer qui touche de plus en plus de jeunes dans l'empire du Milieu : l’« enfant à plein temps », quanzhi ernü en chinois. Un nouveau mode de vie adopté bon gré mal gré par des jeunes qui décident de retourner au nid familial, y faire les tâches ménagères en échange d’argent de poche, tout en essayant de trouver un nouvel objectif professionnel.
En juin dernier, le portrait d’un quadra, devenu fils à plein temps et payé 5 500 yuans (690 euros), n’a cessé de défrayer la chronique en Chine, et s’est vu propulsé en tête des recherches sur le réseau social Weibo. Sur « Little Red Book », alternative à Instagram très en vogue parmi la jeunesse chinoise, on recense plus de 40 000 écrits postés par des utilisateurs relatant leurs expériences “d'enfants à temps plein”. « Mon père gagne 7 000 yuans par mois ; ma mère et ma grand-mère possèdent chacune une pension de retraite à 5 000 yuans. Comme ils me donnent chacun 2 000 yuans, je préfère travailler pour eux », explique un internaute. Sa décision, qui ne convainc pas tout le monde, est loin d’être insensée au vu de la conjoncture économique et des conditions de travail en Chine. Selon un rapport de 2022 publié par la société de recrutement Zhilian zhaopin, le salaire moyen du premier emploi des jeunes diplômés chinois n’était que de 6 507 yuans, en baisse de 12 % par rapport à 2021. D’autant que la durée moyenne de travail hebdomadaire s’élève à 48,8 heures, soit près de 10 heures par jour. À cela s’ajoute un chômage des jeunes au plus haut : le taux de chômage des jeunes Chinois âgés de 16 à 24 ans aurait atteint en juin un nouveau record de 21,3 % selon les autorités chinoises, bien qu’elles aient récemment remis en cause la justesse de ce chiffre. Pour en finir avec ce calvaire professionnel, mieux vaudrait “travailler” pour Papa-Maman.
Un statut social à mi-chemin entre parasitisme familial et break professionnel, qui ne tient pas qu’à des raisons de conjonctures économiques. Le Journal des femmes chinoises souligne que certains enfants doivent s’occuper à plein temps de leurs parents malades. Il existe aussi des « parents hélicoptères », très aisés, qui préfèrent garder leur progéniture dans le giron familial, au lieu de la pousser vers un horizon professionnel plus élargi. Selon The New York Times, ces derniers font souvent partie de cette génération qui a pu profiter pleinement de l’envol de l’économie chinoise dans les années 2000 et 2010, et qui peuvent se permettre de procurer de forts soutiens familiaux, aussi financiers que psychologiques, à leurs proches. En somme, beaucoup reconnaissent que cela reste un grand privilège, en tant qu’adultes, que de pouvoir retourner vivre chez ses parents...
Le phénomène est loin d’être nouveau. Déjà dans les années 2010, beaucoup de familles dites de type « 421 » – 4 grands-parents, 2 parents et 1 enfant –, s'interrogeaient sur la possibilité d’avoir un membre de la famille qui puisse s’occuper à plein temps des 4 séniors. À Shanghai, les autorités locales avaient même mené des recherches sur la possibilité d’en faire un nouveau métier. L’hypothèse d'hier est devenue réalité.
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