Maliya Suo, la « dernière cheffe de tribu de Chine » : une vie entière auprès des rennes

1704978279000 China News Li Aiping
Engagée dans la protection des montagnes et des forêts et la transmission de la culture du renne, Maliya Suo a toujours été profondément respectée par les villageois. Elle était douée pour la chasse et s’occuper des Ewenkis. À la mort de son mari, elle est devenue la dernière cheffe de tribu de rennes de Chine et les médias l’ont consacrée « dernière cheffe de tribu de Chine ».

Le 20 août 2022, elle s’est éteinte à l’âge de 101 ans dans un lieu de chasse du canton ewenki d’Aoluguya, auprès de ses rennes. Sa vie s’est achevée mais elle a laissé derrière elle bon nombres de légendes.

À la veille du premier anniversaire de la mort de Maliya Suo, China News revient sur la vie de cette femme légendaire.

La chasseuse « qui a grandi en mangeant de la viande »

Maliya Suo n’a demandé sa première carte d’identité qu’à l’âge de 94 ans, afin de se rendre à Pékin pour participer à l’enregistrement d’une émission.

C’était la première fois que cette vieille femme, qui a toujours vécu dans les montagnes et les forêts, a pris l’avion. Sa fille Dekesha se souvient qu’elle lui a alors demandé en langue ewenki : « Mais comment diable un tel morceau de ferraille peut-il voler ? ».

Maliya Suo est née sur les rives d’un torrent, au cœur des montagnes de la préfecture de Daxing’anling. Affluent du fleuve Argoun, il est plus connu des étrangers comme rive droite de l’Argoun.

Née en 1921, Maliya Suo est une Ewenki. Elle a vécu toute sa vie avec sa tribu dans les forêts de montagne les plus méridionales de la taïga, dans la région circumpolaire, à la jonction des prairies de Hulunbuir et de la préfecture de Daxing’anling. C’est là que vit la dernière tribu de rennes de Chine.

En langue ewenki, Aoluguya signifie « lieu où les forêts de peupliers abondent ». Les archives historiques attestent qu’il y a plus de 400 ans, les ancêtres de la tribu de rennes ont émigré depuis le cours supérieur du fleuve Léna, en Sibérie, et se sont installés après avoir mis au point une méthode d’élevage de rennes adaptée au climat de la préfecture de Daxing’anling. Aujourd’hui, les Ewenkis d’Aoluguya représentent la dernière tribu de rennes de Chine et le seul groupe ethnique du pays à élever des rennes.

Maliya Suo est née sur les rives du torrent. Elle avait deux frères aînés et sept frères cadets. L’un d’entre eux, son grand frère Kundeivan, a tué 21 soldats japonais avec 15 autres chasseurs ewenkis, devenant ainsi l’idole spirituelle de Maliya Suo.

Outre le fait que Maliya Suo admirait son grand frère, elle a aussi hérité des talents de chasseur de son père. Elle a un jour raconté : « Papa était très bon chasseur. Chaque fois qu’il abattait un animal sauvage, les enfants accouraient pour transporter la viande sur leur dos. Nous avons grandi en mangeant de la viande ».

Un journaliste a rapporté que le plus remarquable chez Maliya Suo était sa capacité à monter un renne avec autant d’adresse à travers la forêt dense. Lorsqu’elle partait, elle n’emportait qu’un fusil, dont le canon était recouvert d’écureuils et d’autres petits mammifères à son retour. La charrue tirée par son renne traînait aussi des mammifères herbivores et même quelques fauves. Chaque fois qu’elle revenait de chasse, elle passait de maison en maison, distribuait son gibier et, finalement, ramenait le plus petit chez elle.

« Sans rennes, la tribu ewenki ne pourrait mener une vie paisible »

Maliya Suo ne parlait pas chinois et devait passer par des interprètes de la tribu pour communiquer avec le monde extérieur. Toutefois, nul n’avait besoin de traducteur pour comprendre ce qu’elle éprouvait pour ses rennes.

Dès qu’elle a été en âge de garder un troupeau, elle est partie à la chasse avec ses parents et les a aidés à nourrir les rennes. Pour elle, sans rennes, la tribu ewenki ne pourrait mener une vie paisible. Néanmoins, quand elle était enfant, ses parents ne possédaient qu’un seul renne, qui était le trésor de toute la famille.

Pendant son enfance, le plus grand souhait de Maliya Suo était qu’« un jour, leur nombre de rennes augmente d’un coup ». Ce « fol espoir » s’est exaucé quelques années plus tard, lorsqu’elle s’est mariée.

Maliya Suo a épousé Rajmi, de 12 ans son aîné, et son père lui a donné six rennes. Maliya Suo était très reconnaissante envers ses parents, car beaucoup de filles n’avaient pas de rennes en guise de dot.

« Nous n’avons pas besoin de beaucoup d’argent, la Nature nous offre tout »

Pendant sa jeunesse, Maliya Suo était grande, belle et habile. Elle était une célèbre éleveuse de rennes dans la région. Au début des années 1980, elle était à la tête d’un groupe de sept femmes avec qui elle élevait 700 rennes. Quand un renne était malade, elle était experte pour cueillir des herbes sauvages dans les montagnes qui le remettaient sur pattes immédiatement. Chaque année, mai et juin sont les mois de mise bas chez les rennes et la période qui réjouissait le plus Maliya Suo.

Dans une interview accordée au documentariste indépendant Gu Tao, elle a raconté : « Aucun humain ne doit toucher un renne qui vient de naître, sans quoi sa mère pourrait le renier à cause de l’odeur qu’il dégagerait ». « Mes rennes sont comme mes enfants et je les aime beaucoup. J’ai mangé toutes sortes de viandes dans ma vie, mais jamais de viande de renne. »

Maliya Suo et les autres membres de sa tribu ont toujours vécu dans les forêts et les montagnes et ne sont pas habitués aux grands immeubles et aux foules du monde extérieur. Avant les années 1950, ils vivaient dans des « cuoluozi » (sortes de tipis faits d’écorces de bouleau et de peaux d’animaux), qui ne suffisaient pas à les abriter du froid en hiver, ni de la pluie en été. Avec le développement accéléré de la civilisation moderne, l’« environnement culturel » dans lequel ils vivaient à évolué de façon spectaculaire.

Les données officielles montrent qu’aujourd’hui, la dernière génération d’Ewenkis à s’occuper de l’élevage des rennes comptabilise environ 30 personnes. Ces dernières dépendent d’environ 1 400 rennes, dont un très petit nombre permet aux Ewenkis de conserver un mode de production et de vie relativement primitif et naturel. Les rennes constituent un élément important de la culture pan arctique. Selon l’anthropologue Hao Shiyuan, le peuple ewenki est indissociable du renne. Sa culture, ses valeurs et ses habitudes de vie dépendent toutes de l’industrie du renne.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

Commentaires

Rentrez votre adresse e-mail pour laisser un commentaire.