[Photographie] Liu Xiangcheng, l'œil de la Chine d'hier et d'aujourd'hui

1705052350000 China News Xu Pengyuan
Premier lauréat d'origine chinoise du prix Pulitzer de la photographie, Liu Xiangcheng a arpenté les quatre coins de la Chine et du monde, immortalisant des moments historiques comme le quotidien ordinaire. Le septuagénaire se consacre aujourd'hui à une de ses autres passions : tisser des liens entre la Chine et le reste du monde à travers la photographie et les rencontres.

Tout se lit dans les yeux de Liu Xiangcheng. Parfois il vous fixe du regard, se montrant infiniment bienveillant et sincère, parfois il porte un regard lointain, et semble vouloir percer les mystères et les énigmes, pour retrouver des instants précieux suspendus dans le temps. Appareil à la main, le photographe septuagénaire sino-américain a arpenté les quatre coins de la Chine et du monde durant ces dernières décennies. Grâce à son regard attachant et mystique, il a pu immortaliser, tout au long de sa carrière, des visages vivants et uniques, ainsi que des moments historiques, à la fois éphémères et durables, qui ont marqué l’histoire avec un grand H.

Un soldat embrasse sa petite amie au revoir dans une gare, Estonie, 1990. © Liu Xiangcheng

Premier lauréat d'origine chinoise du prix Pulitzer

Né à Fuzhou, Liu Xiangcheng grandit à Hongkong, avant de partir aux États-Unis pour poursuivre ses études. En 1992, il remporte le Prix Pulitzer de la photographie pour sa couverture de l'effondrement de l'Union soviétique. La plus haute distinction accordée dans le domaine du photojournalisme. Il suit toujours de près l’évolution de la société pour mieux raconter l’histoire du monde à travers les photos. Pour lui, le journalisme occupe une petite place dans la vie, mais dans le même temps, tous les aspects de nos vies servent de matière journalistique. Il lui est important d’établir des liens émotionnels avec les personnes prises en photos. « Les images sans émotion ne restent que des documents froids », précise-t-il. Une vision du photojournalisme qu’il a sans doute hérité de son mentor, le photographe Gjon Mili.

Jeune couple sur un banc de parc, Shanghai, 1978. © Liu Xiangcheng

En 1972, élève du Collège Hunter, Liu Xiangcheng réalise une série de photos sur les marginaux vivant à la rue de New York, captant l'attention de Gjon Mili, photographe d’origine albanaise travaillant pour le magazine américain Life. Ce dernier, considéré comme un des plus grands artistes visuels de notre époque, a signé la série de photos « Light Drawing » en collaboration avec Pablo Picasso, contribuant à élargir nos imaginaires et les champs d'interprétation visuelle. À l’invitation de Gjon Mili, Liu Xiangcheng effectue son stage chez Life. « Une bonne photo se lit, transmet de l’information malgré le temps, et crée une résonance émotionnelle et le sens de dialogue auprès du public. » Une autre leçon que Gjon Mili a donnée à son jeune protégé.

L'artiste Chen Yifei dans son atelier à Shanghai, 1996. © Liu Xiangcheng

Embauché par Life, le jeune photographe débarque en septembre 1976 à Guangzhou, dans le sud de la Chine. Ses premières photos prises dans son pays d'origine portent sur des personnes âgées s’entraînant le matin. Il intègre ensuite l’agence The Associated Press, devenant le premier photographe correspondant américain en Chine depuis l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis. Il observe tout autour de lui. Sous son objectif : un garçon en costume militaire tenant dans une main une bouteille de Coca-cola ; un jeune branché dans le parc ; des jeunes mariés ; ainsi que des piétons qui passent en dessous des panneaux publicitaires géants… Selon certains dires, de 1979 à 1981, 65 % des photos utilisées par les médias occidentaux pour illustrer les actualités chinoises auraient été prises par Liu Xiangcheng.

Affiche de l'exposition « Liu Xiangcheng - Objectif·Époque·Peuple »

La photographie, une affaire de relation humaine

« Une écriture digne, drôle, magnifique, à la fois sérieuse et joyeuse, qui aborde de manière juste la Chine antique et moderne. » Ces propos élogieux de Pearl Buck, lauréate du prix Nobel de littérature en 1938, à l’égard de Mon pays, mon peuple, chef d'œuvre de Lin Yutang, sonne comme une source d’inspiration pour Liu Xiangcheng. Dans ses œuvres, les événements historiques alternent avec le quotidien. Il prend également du plaisir à photographier certaines stars de l'intelligentsia chinoise dont le linguiste Zhou Youguang, l’écrivain Ding Ling, le poète Ai Qing, les dramaturges Cao Yu et Wu Zuguang. En 1983, sur la place du pavillon de l'Harmonie suprême au sein de la Cité interdite, il photographie Pu Jie, frère de Pu Yi, dernier empereur de Chine. Ce dernier lui raconte des anecdotes de son enfance, et propose même de prendre en photo le photographe. Un moment inoubliable dans sa carrière de Liu Xiangcheng. Les célébrités se sentent désarmées devant lui et s’avèrent être plus détendues et naturelles sous son objectif. Malgré les débats interminables et presque idéologiques sur la nature du photojournalisme, Liu Xiangcheng se dit intéressé avant tout à porter un regard humaniste sur la société. « La photographie, c’est avant tout une affaire de relations humaines », résume-t-il.

L'exposition « Liu Xiangcheng - Objectif·Époque·Peuple », première rétrospective complète à grande échelle du photographe a ouvert ses portes à Shanghai en juin 2023

Un pont d’échange entre la Chine et le reste du monde

Saisi par le fossé culturel qui sépare la Chine et le monde Occidental, le photographe baroudeur s’attache à construire un pont d'échange pour pallier le manque de confiance et de communication. La photographie en fait partie des moyens mais elle est loin d’être le seul. Déjà en 1995, fraîchement nommé premier représentant à Pékin par Time Warner Inc., l’homme derrière l’appareil est monté sur le devant de la scène pour la tenue du Forum fortune à Shanghai. Consultant au sein de l’organisation des jeux Olympiques de Pékin lancée en 2001, il a contribué à la sortie du livre photos de 424 pages Chine, le portrait d’un pays, réunissant plus d’un millier d'œuvres réalisées par 88 photographes. En 2010, en marge de l’Exposition universelle de Shanghai, il a cosigné avec sa femme le livre illustré Shanghai, le portrait d’une grande ville, retraçant l’histoire moderne de Shanghai à travers des photos historiques et celles issues des collections privées ou réalisées des photographes les plus connus au monde. En 2011, la Chine fêtant le centenaire de la révolution Xinhai, Liu Xiangcheng a publié, à cette occasion, 1911 : des guerres d'opium à la guerre des seigneurs, les cent ans d'histoire en images, dépeignant une fresque visuelle épique de la Chine de 1850 à 1928.

Liu Xiangcheng


Inspiré par le centre international de la photographie situé à la cinquième avenue de New York, il a fondé en 2014 le Centre d'art de la photographie de Shanghai. Son prochain projet ? Ce serait sans doute les « nouvelles routes de la soie » chinoises. Pour lui, il s'agit de la première fois que la Chine moderne se mondialise à grande échelle. La façon dont la Chine se connectera culturellement avec différents pays et les images qui en découlent de ces rencontres culturelles feront partie intégrante de l'histoire de la Chine et du monde.   

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : le couturier américain Roy Halston Frowick et ses modèles sur la Grande Muraille, Pékin, 1980. © Liu Xiangcheng

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