[Pékin explorateurs] À Pékin, sur les pas de Puyi, le dernier empereur de Chine

1734338432892 Le 9 Rémi Anicotte

Puyi (1906-1966), du clan mandchou Aisin Gioro, fut le dernier empereur de Chine. À quelles époques vécut-il à Pékin et quelles y furent ses résidences successives ? 

Puyi (1906-1967) debout sur la droite de la photographie à côté de son père Zaifeng (1883-1951), le prince Chun, qui est assis et tient sur lui son deuxième fils Pujie (1907-1994).

Petite enfance au palais des princes Chun (1906-1908) 

Puyi naquit le 7 février 1906 au palais des princes Chun (Chun qin wangfu 醇亲王府) situé au bord du lac Houhai (后海). C’était la résidence de sa mère Youlan (1884-1821) et de son père Zaifeng (1883-1951), le deuxième et dernier prince Chun. Aujourd’hui, nous pouvons visiter la partie de ce palais qui s’appelle désormais l’ancienne résidence de Song Qingling (Song Qingling tongzhi guju 宋庆龄同志故居) car elle fut allouée à Song Qingling (1893-1981) à partir de 1963. Elle était la veuve de Sun Yat- sen (1866-1925), le fondateur de la République de Chine qui mit un terme à l’empire et à la dynastie Qing dont Puyi était le dernier rejeton. 

Empereur enfant dans la Cité interdite (1908-1912) 

L’empereur Guangxu, demi-frère de Zaifeng et oncle de Puyi, mourut sans descendance en 1908, apparemment victime d’un empoisonnement à l’arsenic. L’impératrice douairière Cixi désigna Puyi comme successeur, alors que l’on s’attendait à ce qu’elle choisisse Pulun (1874-1927), un cousin majeur de Puyi, que Cixi avait envoyé rencontrer le président Theodore Roosevelt à Washington en 1904. Peut-être comptait-elle assumer la régence de l’empereur enfant ? Peut-être a-t-elle choisi Pulun mais que son édit a été falsifié ? Toujours est-il qu’elle mourut le lendemain de la désignation de l’héritier du trône, et que Zaifeng devint le régent de l’empereur Xuanzong, son fils Puyi, qui logeait désormais au palais Yangxindian (养心殿) dans la Cité interdite. 

L’empereur honoraire dans la Cité interdite (1912-1924) 

Sun Yat-sen proclama la République de Chine le 1er janvier 1912 à Nankin. Yuan Shikai en devint le premier président. Le 12 février, l’impératrice douairière Longyu signa l’acte de cession du pouvoir de l’empereur Xuantong, son neveu Puyi qui avait alors 6 ans. Il ne s’agissait pas d’une abdication puisque l’empereur conservait son titre, simplement renonçait-il à exercer un jour le pouvoir. Lui et la famille impériale se voyaient octroyer des privilèges : une rente conséquente et l’usage d’une partie de la « cour intérieure » de la Cité interdite, la zone résidentielle du palais par opposition à la « cour extérieure », anciennement dévolue à l’exercice du pouvoir. 

En 1917, Puyi eut 11 ans. Hors du palais, diverses factions luttaient pour diriger la République après la mort de Yuan Shikai l’année précédente. En 1921, Youlan, mère de Puyi, se suicida en ingérant une surdose d’opium pur. Puyi sortit pour la première fois de la Cité interdite pour rendre un dernier hommage à sa mère au palais des princes Chun. En 1922, Puyi eut 16 ans. Il célébra son mariage avec Wanrong (1906-1946), son impératrice consort, et Wenxiu (1909-1953), sa concubine. 

En 1924, Puyi eut 18 ans. Dans le cadre d’un nouveau conflit interne aux cadres militaires de la République, le général Feng Yuxiang (1882-1948), chassa le dernier empereur de la Cité interdite et le renvoya au palais des princes Chun, le 5 novembre. Dépossédé de ses privilèges et de sa rente, il aurait aimé se réfugier en Grande-Bretagne par le truchement de Reginald Johnston (son professeur d'anglais), mais les Britanniques ne voyaient aucun intérêt à froisser les autorités de la République de Chine. En revanche, les Japonais comptaient entretenir et utiliser le brin de prestige et de légitimité encore attaché à Puyi pour saper l’unité chinoise et s’arroger davantage de territoires. Ils l’exfiltrèrent d’abord vers la légation du Japon à Pékin le 29 novembre, puis, en février 1925, vers la concession japonaise de Tianjin. 

Plus de trois décennies loin de Pékin (1925-1959) 

Puyi passa loin de Pékin plus de la moitié de son existence, dont les trois quarts de son âge adulte. Pendant sept ans, de 1924 à 1931, grâce au soutien japonais, le jeune homme de 19 à 26 ans mena une vie mondaine au sein de l’univers cosmopolite des concessions de Tianjin en compagnie de son épouse Wanrong et de sa concubine Wenxiu. Il maintenait ainsi une notoriété internationale qui faisait sa valeur aux yeux de ses protecteurs japonais. 

L’année 1931 marqua un tournant. D’abord un tournant sociétal, quand Wenxiu demanda le divorce selon les lois de la République de Chine et en dépit des anciens protocoles impériaux. Puyi y consentit en octobre. Puis un tournant diplomatique en novembre, lorsque les protecteurs nippons de Puyi l’expédièrent à Dalian au Liaoning, pour finalement le placer à la tête du Mandchoukouo, un nouvel État sécessionniste qui s’appropriait les trois provinces de l’ancienne Mandchourie, et une fiction politique permettant aux Japonais de contrôler ce territoire dans un cadre plus ou moins légal. En 1945, les Soviétiques libérèrent le Nord-Est de la Chine. Ils placèrent Puyi en résidence surveillée en Sibérie. 

Mao Zedong gagna la guerre civile chinoise au détriment de Tchang Kaï-chek. Il proclama la République populaire de Chine le 1er octobre 1949 sur la porte Tian an men à Pékin. En 1950, le nouvel État obtint l’extradition du dernier empereur qui fut alors envoyé au centre de détention de criminels de guerre de Fushun (fushun zhanfan guanli suo 抚顺战犯管理所) au Liaoning. Il y entreprit une « rééducation » qui donna lieu à une longue confession écrite (publiée à Pékin en 1964), dans laquelle le dernier empereur déchu faisait amende honorable. Il obtint une amnistie et retourna à Pékin en septembre 1959 où il fut hébergé par sa sœur cadette Yunxin (1917-1998) qui habitait à l’actuel numéro 15 de la rue Qianjing (Qianjing hutong 前井胡同) (anciennement le numéro 6) au sud du lac Houhai (后海). 

Retour à Pékin d’un citoyen peu ordinaire (1959-1967) 

Commença alors une nouvelle vie pour l’ancien empereur. En 1960, Zhou Enlai lui fit attribuer un emploi au jardin botanique de Pékin où il resta près de six mois. Il entra ensuite à la Conférence consultative politique du peuple chinois qui intégrait des représentants de l’ancien régime. Mao Zedong lui préconisa par ailleurs de se remarier (Puyi était veuf depuis 1946). En avril 1962, Puyi épousa Li Shuxian (1924-1997). 

En août 1966, la Révolution culturelle vint troubler cette quiétude : ses revenus furent réduits, son mobilier en partie confisqué. Peu après, ses médecins diagnostiquèrent un cancer des reins et de la vessie. Le 17 octobre 1967, Puyi s’éteignit vaincu par son cancer. Il ne laissa pas de descendance. 

Rémi Anicotte est sinologue, membre associé du CRLAO (EHESS/CNRS/INALCO). Il est directeur de China Intuition, société implantée à Pékin. 

Photo du haut : Puyi et sa dernière épouse Li Shuxian en 1962.

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