Session parlementaire chinoise : Que sera devenue la Chine dans cinq ans ?

1617024071126 Le 9 Camille-Yihua Chen

Les deux sessions parlementaires chinoises, qui se sont déroulées de début à mi-mars 2021 ont adopté le 14e plan quinquennal, qui fixe les grandes orientations économiques et sociales de la Chine pour les cinq années à venir. Décryptage.

Le 3 mars 2021, le site d’information en chinois de la Deutsche Welle (DW), principale radio internationale d’Allemagne, écrivait : « Certes, la Chine a maîtrisé la crise sanitaire plus tôt que les autres pays et a connu une rapide reprise économique. Mais du fait d’un certain nombre d’incertitudes – les conséquences de la crise sanitaire, les risques liés aux conflits commerciaux entre les États-Unis et la Chine – beaucoup d’experts pensent qu’il est possible que, de nouveau, la Chine ne fixe pas d’objectif de croissance. » La radio allemande faisait référence au fait qu’en 2020, en raison de l’épidémie de coronavirus qui a mis à mal l’économie chinoise, Pékin avait renoncé à fixer un objectif annuel de croissance – une décision rarissime dans l’histoire du géant asiatique. La session parlementaire annuelle chinoise de 2021, qui a réuni la 4e session de la 13e Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) du 4 au 10 mars, et la 4e  session de la 13e Assemblée nationale populaire (ANP), du 5 au 11 mars, aura démenti cette analyse.

En effet, le 5 mars, à l’ouverture de la 4e session de l’ANP, le Premier ministre chinois Li Keqiang a déclaré que le pays visait une croissance supérieure à 6 % en 2021, envoyant un message clair au monde : en dépit de la crise sanitaire, la Chine peut rebondir. Le Premier ministre chinois aura en outre présenté les grandes lignes du 14e plan quinquennal qui, adopté par l’ANP, va permettre de nous projeter dans la Chine de 2025. À quoi ressemblera-t-elle sur le plan économique ?

Une croissance très qualitative et bas-carbone

À l’examen du contenu du 14e plan quinquennal, ce qui nous frappe de prime abord c’est que, malgré l’annonce d’une croissance chiffrée pour 2021, la Chine s’est cependant bien gardée de fixer un taux de croissance moyen pour les quatre années suivantes. Une première dans l’histoire des plans quinquennaux chinois ! Dans son 14e plan quinquennal, le gouvernement chinois s’est contenté d’écrire : « Il faut maintenir le PIB dans une fourchette raisonnable, et fixer l’objectif de croissance chaque année en fonction de la situation du moment. » Selon Ren Huzu, vice-président de la Commission nationale pour la réforme et le développement, « [...] Ne pas fixer d’objectif de croissance permet de faire face à différents défis et risques de façon à la fois active et sereine ; surtout, cela donne la possibilité de mettre l’accent sur la qualité de la croissance et la rentabilité effective ». Les promoteurs du développement durable y voient eux, la volonté de Pékin de réaliser une croissance qualitative et bas-carbone. En effet, les gouvernements provinciaux ne seront plus dans l’obligation d’atteindre à tout prix un taux de croissance au détriment de l’environnement qui, durant plusieurs décennies, a tant souffert de la pollution due à une croissance sauvage et très consommatrice d’énergie.

En outre, le 14e plan quinquennal a fixé aussi d’autres objectifs plus respectueux de l’environnement : baisse de 10 % de l’émission de gaz carbonique par unité de PIB, baisse de 13,5 % de la consommation d’énergie par unité de PIB, taux de couverture forestier de 24,1 %, hausse de 20 % du pourcentage d’énergie non fossile utilisée dans la consommation globale d’énergie.

Une Chine high-tech et numérique

La croissance qualitative passe aussi par l’innovation technologique. Les violents conflits commerciaux provoqués par les États-Unis contre la Chine, parmi lesquels l’interdiction par Donald Trump faite aux entreprises américaines de fournir des composants électroniques au chinois Huawei, ont poussé les dirigeants chinois à faire de l’innovation technologique une priorité nationale. Pendant les cinq prochaines années et jusqu’en 2035, la Chine va, par exemple, continuer à créer des « laboratoires d’État » afin de concentrer ses efforts sur le développement des technologies considérées comme stratégiques : l’information quantique, la photonique et la micro-nanoélectronique, les communications en réseau, l’intelligence artificielle, la biomédecine, les systèmes énergétiques modernes. Des projets stratégiques d’ampleur seront lancés dans les domaines de la sécurité nationale : intelligence artificielle, information quantique, circuits intégrés, santé, neurosciences, biologie de la reproduction, technologie aérospatiale, ou encore l’exploration des ressources en haute mer. L’objectif est de s’affranchir de sa dépendance technologique à l’égard de l’étranger. En parallèle, le pays va développer l’économie numérique qui, durant la crise sanitaire, a été le pilier de la résilience chinoise : c’est elle qui, au plus fort de l’épidémie a non seulement connu un développement dynamique mais a aussi joué un rôle important dans le maintien de l’ordre social et économique. Il va aussi entrer dans une phase de numérisation industrielle, en accélérant l’intégration dans l’économie réelle du big data, du cloud computing, de l’intelligence artificielle, de la blokchain ou de l’Internet des objets. Pour atteindre ces objectifs, il a été décidé d’augmenter de plus de 7 % par an le budget affecté aux activités de R&D.

Une croissance essentiellement tirée par la consommation

Actuellement en Chine, plus de 400 millions de personnes appartiendraient à la classe moyenne, soit près d’un quart de la population. La période du 14e plan quinquennal qui s’ouvre est cruciale pour permettre à l’empire du Milieu d’accéder au rang de pays à haut revenu. Une série de mesures seront ainsi appliquées de façon simultanée : mise en place d’un mécanisme d’augmentation rationnelle des salaires, amélioration des revenus des populations à bas salaire, élargissement de celles à revenu moyen, multiplication des pistes pour améliorer les revenus des populations urbaine et rurale tirés des biens mobiliers (épargne bancaire, placements financiers, collections d’œuvres d’art...) et immobiliers (logements, terre...).

Pendant plusieurs décennies, la croissance chinoise s’est essentiellement appuyée sur les exportations et les investissements, alors que la consommation intérieure jouait un rôle moins important. Mais aujourd’hui, du fait de la récession qui frappe les pays occidentaux, anciens gros acheteurs de produits made in China, et du rapide enrichissement d’un nombre croissant de Chinois, la consommation domestique est en passe de prendre le relais – notamment de l’exportation – pour devenir le principal moteur de la croissance nationale. Et son rôle sera de plus en plus important dans les années à venir. D’où la décision de stimuler davantage celle-ci, notamment dans le secteur tertiaire, en misant sur l’industrie de la santé, la culture, le tourisme et le sport. Autre moyen d’inciter à la consommation : développer l’e-commerce et le secteur de la livraison rapide, ce qui va dans le sens de la construction d’une Chine numérique.

Développer plus particulièrement la consommation intérieure ne signifie en rien que la Chine se replie sur elle-même. Bien au contraire. Dans le cadre du 14e plan quinquennal, les entreprises chinoises sont encouragées à devenir davantage acteurs du marché international en se projetant à l’international. Des actions ont déjà été entreprises récemment avec la signature de l’accord de partenariat économique régional global (RCEP) qui concerne l’Asie-Pacifique, l’achèvement des négociations sur l’accord d’investissement Chine-UE, ou encore l’adhésion à l’accord de partenariat transpacifique global progressif (PTPGP – Accord actuellement ratifié par l'Australie, le Canada, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam). Ainsi, sauf catastrophes majeures (guerre mondiale notamment), il est fort possible que d’ici cinq ans la Chine fera partie du cercle encore très fermé des économies matures, avec un PIB probablement égal à celui des États-Unis.

Camille-Yihua CHEN est journaliste économique et financière, rédactrice en chef du desk français de Mandarin TV.

©Guo Cheng/Xinhua

 

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