[C-drama] « Yao-Chinese Folktales », une anthropologie d'animation entre le surnaturel et le réel

1680260241631 Chine-info Hu Wenyan

Plongée dans le fantastique et le folklore chinois, avec huit histoires indépendantes qui traitent un thème commun : yao, ou les esprits surnaturels, entre passé et futur, tradition et science-fiction. 

L'animation chinoise ne cesse, depuis quelques années, de s'interroger sur sa propre identité. D'autant que 2022 marque un double anniversaire : les cent ans de l'anime chinois, et les 65 ans du studio de cinéma des beaux-arts de Shanghai, porte-drapeau du cinéma d'animation d'auteur chinois à une époque révolue. Sous l'impulsion de ce dernier et de Bilibili, Yao-Chinese Folktales, une anthologie d'animation pour un public adulte a vu le jour, non seulement pour rendre hommage aux aînés, mais aussi pour donner de l'espoir aux jeunes professionnels en quête de voie. 

Diffusée depuis janvier dernier sur Bilibili, la série d’animation, assortiment déjanté de huit histoires fantastiques courtes, a aussitôt suscité un enthousiasme inédit en Chine. « La renaissance du studio de cinéma des beaux-arts de Shanghai ! » ont même prédit certains spectateurs. Elle est à la fois un manifeste et un essaie expérimental afin de trouver une voie alternative pour l'animation chinoise, tiraillée sans cesse entre les écoles japonaise et américaine.   

Nobody, réalisé par Yu Shui

En effet, le premier épisode Nobody puise ses inspirations dans La Pérégrination vers l'Ouest, roman fantastique écrit par Wu Cheng’en sous le règne des Ming. L'œuvre originelle retrace le périple du moine bouddiste Xuan Zang qui se rend de la Chine en Inde, en compagnie de ses quatre disciples dont le fameux Roi singe, et qui fait face à une série de monstres. Ici, le réalisateur Yu Shui a eu l’audace de raconter l’histoire à l’envers sous le prisme d’une petite main parmi les esprits démoniaques. Un petit esprit cochon, pour se faire respecter par ses pairs, tente le tout pour le tout de capturer le moine Xuan Zang en cinq jours. Mais chaque jour apporte son lot de tâches chronophages et dénuées de sens, à quoi s'ajoute l'humeur capricieuse et imprévisible d’un chef toxique. Alors que l’image du moine et de ses disciples évolue, il se met à s’interroger sur sa propre condition de vie ainsi que sur le monde dans lequel il vit…

Un récit original, un scénario bien ficelé, un visuel réfléchi, une bonne dose d’humour et une pincée d’ironie… Nobody réunit tous les ingrédients pour plaire tant au grand public qu’aux professionnels. Un pari réussi au vu de l'engouement des téléspectateurs pour ce petit conte initiatique très touchant. 

Goose Mountain, réalisé par Hu Rui

Puis on entre, avec le deuxième épisode Goose Mountain, dans un univers totalement différent. Si ce dernier renoue, comme Nobody, avec la grande tradition de fable de l'animation chinoise, il est allé beaucoup plus loin dans l'exploration du cinéma expérimental, sur la forme comme sur le fond. Sans paroles, l'histoire inspirée d'un conte fantastique millénaire chinois avance à coup de répliques écrites, aussi concises qu'énigmatiques. Un parti pris artistique du réalisateur Hu Rui pour conserver la délicatesse et le sens de l'allégorie propres aux récits fantastiques chinois. Le minimalisme tranche avec le foisonnement imaginaire et le délire paranoïaque. D'autant que le graphisme épuré, appuyé sur seulement trois couleurs - noir, blanc et rouge, nous projette dans un univers d'encre et de lumière hors du temps. Il faudrait quelquefois le regarder à plusieurs reprises pour mieux appréhender ce récit original à la lisière du thriller psychologique. Un vrai petit bijou. 

Huit histoires, huit styles, et huit interprétations du yao. De la mythologie chinoise, la science-fiction à l’attachement aux racines en passant par l’amour et le désir de l’humain, les sujets abordés par la série sont aussi divers que variés, avec un ton tantôt insouciant tantôt mélancolique. En effet, la diversité et la singularité sont les clés du succès de cet anime. Il en va de même pour les différentes techniques utilisées par les créateurs : 2D, papier découpé, animation en volume, animation numérique ou encore dessins inspirés du style shanshui... 

Un magnifique kaléidoscope avant-gardiste de « l'école chinoise ». Il n’est pas surprenant que la série brille avec une note de 8,8/10 évaluée par plus de 230 000 spectateurs sur Douban. Grâce à ce succès retentissant, une saison 2 est déjà en cours de production.  


Yao-Chinese Folktales 中国奇谭

Série disponible sous-titrée en anglais sur Bilibili

Nombre d’épisodes : 8

Diffusion : janvier 2023 

Production : Bilibili

Genre : animation

Réalisée par Chen Liaoyu (réalisateur général), Yu Shui, Hu Rui, Yang Mu, Liu Maoning, Chen Lianhua, Xu Ning, Gu Yang, Liu Kuang, Pan Bin

Pour compléter la lecture : Jadis véritable joyau culturel, l'animation chinoise va-t-elle renaître de ses cendres ?

Photos © Bilibili

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